Ma première réaction à la décision des conservateurs de réduire les prestations de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti a été de la considérer comme une attaque contre les personnes âgées. Cependant, je suis plutôt d’avis que le gouvernement a choisi de s’attaquer aux jeunes et aux pauvres.
De 2023 à 2029, l’âge d’admissibilité aux prestations de la SV et du SRG sera progressivement haussé de 65 ans à 67 ans. Cette mesure n’aura donc aucune incidence directe sur les personnes actuellement âgées de 54 ans ou plus. De plus, depuis la mise en application des dispositions de récupération du gouvernement Mulroney, les aînés les mieux nantis n’ont pas droit à la SV de toute façon.
Les grands perdants seront donc les travailleurs à revenu faible ou moyen ainsi que les jeunes et les travailleurs d’âge moyen; en fait, la plupart des Canadiens dont les prestations gouvernementales représentent la majorité de leur revenu de retraite.
Ironiquement, ce sont ces mêmes personnes qui ont besoin de voir leurs prestations gouvernementales bonifiées plutôt que réduites parce qu’elles sont de moins en moins nombreuses à pouvoir compter sur un régime d’employeur. Et ce sont les prestations de la SV et du SRG qui assurent aux personnes âgées les plus pauvres, surtout des femmes, la quasi-totalité de leur revenu de retraite.
M. Harper prétend que la hausse des coûts futurs des régimes de la SV et du SRG explique la nécessité de ces changements, ce que réfutent pourtant les chiffres et l’ensemble des observateurs indépendants. Les projections indiquent que le coût des régimes de la SV et du SRG augmentera de 2,43 % du revenu national (le coût actuel) à un sommet de 3,16 % en 2030. Par la suite, ce coût baissera progressivement à mesure que décéderont les baby-boomers. La réduction des prestations de la SV et du SRG du gouvernement Harper entrera donc en vigueur tout juste avant que le coût de ces régimes ne se mette à baisser pour la raison démographique exposée ci-dessus.
Dans tous les cas, on ne sait pas exactement dans quelle mesure la réduction des prestations de la SV et du SRG contribuerait réellement à la réduction des dépenses publiques, puisqu’une bonne partie des coûts de soutien des personnes pauvres âges de 65 ou 66 ans sera simplement transférée aux provinces qui devront assumer des coûts de bien-être social et d’autres coûts plus élevés.
Les conservateurs affirment que les aînés n’auront qu’à travailler quelques années de plus pour effacer la perte des deux années de prestations de retraite. Cependant, il ne s’agit pas d’une option valable pour plusieurs personnes âgées, particulièrement celles dont l’état de santé les rend inaptes au travail. De plus, il pourrait s’agir d’un obstacle de plus pour de jeunes travailleurs tentant de dénicher un emploi décent (donc, d’une autre attaque contre les jeunes).
À la lumière des faits, il est difficile de comprendre la décision du gouvernement Harper de couper dans les prestations de la SV et du SRG. Cette décision découle d’une idéologie de droite prônant une réduction des prestations gouvernementales (et probablement de sondages indiquant que les conservateurs peuvent se permettre cette mesure parce que la plupart des jeunes ne votent pas). Le gouvernement Harper pourrait aussi s’en servir comme outil de marketing pour faire la promotion des REER pour ses bailleurs de fonds du secteur bancaire.
Le vieillissement de notre population nous appelle à relever nombre de défis importants : rendre les soins de santé et les médicaments plus accessibles, améliorer les soins à domicile, les soins de longue durée et les soins infirmiers, bonifier les pensions gouvernementales. Réduire les pensions gouvernementales ne devrait donc pas figurer dans cette liste de défis à relever.