Les conservateurs du gouvernement Harper semblent avoir un appétit insatiable pour plier (et parfois enfreindre) les lois électorales du Canada dans l’optique d’acquérir – et de conserver – le pouvoir pour servir les intérêts des sociétés qui leur dictent quoi faire.
Les tribunaux ont condamné les conservateurs dans leur différend contre le directeur général [indépendant] des élections après avoir tenté de contourner les règles du financement électoral. Les conservateurs avaient eu recours à des appels robotisés pour induire en erreur des électeurs le jour du vote et ils continuent à dépenser des millions de dollars en deniers publics pour faire la promotion de programmes non existants.
La plus récente et mieux orchestrée attaque de Stephen Harper contre la démocratie canadienne est le projet de loi C-23, que les conservateurs ont eu l’audace d’intituler la Loi sur l’intégrité des élections. Le projet de loi C-23 a été adopté par la Chambre des communes le 13 mai 2014, puis soumis à l’examen du Sénat. Les conservateurs veulent qu’il soit en place à temps pour les prochaines élections fédérales prévues en 2015.
Le projet de loi C-23 est conforme à la stratégie Harper, que nous connaissons bien maintenant. Contrairement aux modifications apportées aux lois électorales dans le passé, les conservateurs ont déposé le projet de loi sans aucune consultation préalable des autres partis politiques (ou de quiconque n’est pas farouchement partisan des conservateurs). Les conservateurs inventent des problèmes imaginaires que le projet de loi est censé corriger, et ce, pour déguiser le fait qu’il s’agit d’un projet de loi très antidémocratique.
De plus, le projet de loi C-23 poursuit dans la tradition des conservateurs de Stephen Harper de pousser de volumineux et complexes projets de loi en vue de leur adoption au Parlement sans beaucoup de temps de réflexion ou de débat public. Le projet de loi C-23 compte 244 pages. Plusieurs de ses dispositions sont floues et plus d’une question demeure sans réponse. Bien qu’une opposition quasi totale ait forcé les conservateurs à apporter un petit nombre d’amendements au projet de loi original, C-23 demeure partisan et antidémocratique.
Malgré le fait que le taux de participation aux élections est déjà en baisse (particulièrement parmi les jeunes), plusieurs des dispositions clés du projet de loi C-23 visent manifestement à décourager davantage les électeurs d’exercer leur droit de vote et de réduire davantage la participation électorale.
La partie la plus abondamment étudiée du projet de loi concerne les dispositions touchant les « répondants ». Dans le passé, ces dispositions permettaient aux électeurs ayant une adresse mais n’ayant pas de pièce d’identité avec photo de néanmoins exercer leur droit de vote : généralement des étudiants et des pauvres (des clientèles moins susceptibles d’être favorables aux conservateurs) ainsi que des personnes âgées dans des établissements de soins de longue durée. Les conservateurs n’ont rien présenté comme preuve de fraude électorale pour justifier la modification de la loi. Globalement, les répondants n’ont représenté qu’environ 1 % de l’ensemble des électeurs aux dernières élections.
Aucun répondant n’aurait pu exercer son droit de vote en vertu du projet de loi C-23 original. Confrontés à une vaste opposition, les conservateurs ont partiellement reculé afin de permettre à certains répondants d’exercer leur droit de vote (mais le processus pour ce faire sera beaucoup plus complexe). Néanmoins, il demeurera plus difficile pour plusieurs électeurs légitimes de voter et nombre de personnes seront inévitablement découragées de voter.
Aussi, le projet de loi C-23 affaiblira les pouvoirs du directeur général des élections (un des nombreux ennemis de M. Harper). Étrangement, le projet de loi irait même jusqu’à interdire au directeur général des élections de lancer des programmes de promotion non partisans conçus pour encourager le vote.
Sans aucunement entraver la possibilité pour le gouvernement Harper de dépenser des deniers publics sur de la publicité à longueur d’année, le projet de loi C-23 restreindrait sérieusement les dépenses publicitaires de groupes tiers entre deux élections.
Sous prétexte de réprimer la pratique des appels robotisés (une pratique conservatrice), le projet de loi introduirait des dispositions visant à compliquer et à entraver les efforts des syndicats (d’autres ennemis jurés de M. Harper) d’utiliser leurs propres banques de données téléphoniques pour communiquer avec leurs propres membres.
Le projet de loi C-23 est un mauvais projet de loi qui découragera les électeurs et favorisera les conservateurs. Même le Globe and Mail, pourtant un journal conservateur, a demandé son retrait du feuilleton.
Ce n’est qu’une autre raison pour laquelle le gouvernement Harper doit être défait en 2015. À ce stade-ci, nous ne pouvons que deviner quelle sera sa prochaine attaque contre la démocratie s’il est réélu.