Dans les années 1980, le premier ministre conservateur, Brian Mulroney, avait affirmé que tout était question d’emplois. Si nous créions le bon « climat » pour les entreprises, elles créeraient tellement de bons emplois que les travailleurs canadiens auraient l’embarras du choix et pourraient imposer leurs conditions salariales aux employeurs.
Donc, nous avons d’abord eu droit à l’accord de libre-échange avec les États-Unis, puis l’ALENA, puis des réductions d’impôt consenties aux entreprises et aux mieux nantis de la société. Quelques décennies après avoir enrichi les riches et renforcé le pouvoir des entreprises, les travailleurs ont-ils réalisé des gains en échange?
Bien, le stratagème a fonctionné pour les riches, dont les revenus ont monté en flèche. La part du revenu national total gagné par le pour cent des Canadiens les plus riches a pratiquement doublé depuis la fin des années 1970, tandis que le reste d’entre nous avons dû redoubler d’efforts juste pour joindre les deux bouts.
De plus, des réductions d’impôt successives bénéficiant principalement aux entreprises (notamment aux banques et aux sociétés pétrolières) et aux nantis font en sorte que le reste d’entre nous payons une plus grande part et obtenons moins en retour.
Notre secteur manufacturier, et ses emplois syndiqués bien rémunérés, avait déjà perdu bien des plumes avant la crise financière de 2008. Quant à tous ces bons emplois qu’un bon climat d’affaires devait apporter, notre marché du travail compte de plus en plus d’emplois instables, peu rémunérés, atypiques et à temps partiel – particulièrement parmi ceux qu’occupent les jeunes travailleurs.
Même si l’économie reprend du galon depuis deux ans maintenant, il reste près de 1,5 million de Canadiens officiellement inscrits sur les listes de chômeurs et des centaines de milliers d’autres qui ont abandonné leur recherche d’emploi ou qui travaillent moins d’heures qu’ils le voudraient ou dont ils auraient besoin. Le taux de chômage officiel parmi les jeunes travailleurs oscille autour de 15 %.
Il n’est donc pas surprenant que la plupart des Canadiens jugent que la récession n’est pas terminée – sauf pour les banques et les société pétrolières.
Ce qui est vraiment choquant est que les milliardaires et les médias qu’ils commandent ont réussi à susciter la grogne de beaucoup de travailleurs contre d’autres travailleurs – les syndiqués et les fonctionnaires – qui, tout comme eux, tentent simplement de joindre les deux bouts. Il ne serait pas équitable de payer un salaire décent et une pension décente aux enseignants et aux infirmières, mais c’est tout à fait correct pour le président d’une banque de toucher plus de 10 millions de dollars par année après avoir pratiquement anéanti l’économie mondiale.
Bien entendu, ces présidents de banque vous répondront que ce n’était pas de leur faute et que ce que nous devons faire est leur accorder d’autres réductions d’impôt pendant que le reste d’entre nous payons un peu plus et serrons notre ceinture d’un cran. Il faudrait aussi signer d’autres accords commerciaux pour renforcer le pouvoir des grandes entreprises. À leurs yeux, cela serait équitable.