Plus de 20 ans après la signature de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), les défaillances de ce dernier au détriment des travailleuses et travailleurs canadiens se révèlent au grand jour. On a dit aux Canadiennes et aux Canadiens que l’ALÉNA créerait des emplois, une prospérité partagée et un avenir meilleur pour les travailleuses et les travailleurs. Loin de créer de bons emplois et la prospérité, l’ALÉNA a fait disparaître des emplois sûrs, bien rémunérés, et dévasté nombre de collectivités canadiennes dépendant du secteur manufacturier. Si les échanges commerciaux et la croissance économique se sont améliorés, ce sont les grandes entreprises et les investisseurs qui en ont le plus profité, au détriment des travailleuses et des travailleurs. L’ALÉNA ne se contente pas de réglementer les échanges commerciaux, il permet aux investisseurs étrangers de poursuivre les différents ordres de gouvernement canadiens, ce qui menace les services publics et limite la capacité des gouvernements à légiférer dans l’intérêt public. Ce soi-disant accord de libre-échange n’a pas favorisé des échanges commerciaux justes ou équilibrés.
Nous sommes satisfaits d’entendre le gouvernement canadien déclarer publiquement qu’il est prêt à renoncer à un accord contraire aux intérêts du Canada. Il est temps d’aborder la question des échanges commerciaux sous un nouvel angle qui donne priorité aux intérêts des travailleuses et des travailleurs et à l’environnement. La renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain doit inclure les réformes suivantes pour remédier à ses échecs :
- Il convient de renforcer fondamentalement les accords parallèles sur le travail et sur l’environnement contenus dans l’Accord de libre-échange en les intégrant dans l’accord principal et en les assujettissant à des sanctions commerciales. Le chapitre sur le travail de l’ALÉNA doit inclure un volet sur le droit des travailleuses et des travailleurs de s’organiser et de négocier collectivement pour de meilleurs salaires et conditions de travail, assorti de dispositions d’exécution efficaces. Au cours des 20 dernières années, l’ALÉNA a eu pour effet d’assouplir les normes de sécurité au travail à travers le Canada et les États-Unis. Seules quelques plaintes ont été déposées en vertu de l’accord parallèle sur le travail, par ailleurs inefficace, et aucune n’a abouti. Les plaintes en vertu de l’accord parallèle sur l’environnement sont elles aussi restées lettre morte.
- Éliminer le mécanisme de règlement des différends de l’ALÉNA qui accorde des droits particuliers aux investisseurs étrangers et autorise les grandes entreprises à poursuivre les gouvernements. Le Canada est le pays le plus souvent poursuivi en vertu de l’ALÉNA. Cela porte atteinte à la démocratie, menace la législation environnementale et décourage l’élaboration de politiques publiques. Le système judiciaire canadien est internationalement respecté et imité. Il est parfaitement en mesure de juger les différends entre investisseurs et gouvernements. Il faut éliminer le chapitre 11 de l’ALÉNA.
- Encourager la proportionnalité des flux commerciaux dans les principaux secteurs. Les gouvernements doivent entériner le principe de proportionnalité de l’investissement et de l’emploi entre les pays dans les principaux secteurs de production de biens et obliger ainsi les multinationales à investir là où elles vendent. Un tel modèle, semblable au Pacte de l’automobile canado-américain (accord de libre-échange pourvu de dispositions visant à assurer l’équilibre des relations commerciales), aiderait à soutenir la croissance des investissements et les bons emplois dans des secteurs clés tels que l’industrie automobile. Il conviendrait également de renforcer les dispositions relatives aux règles d’origine pour éviter que les exigences relatives au label « fabriqué en Amérique du Nord » soient affectées par diverses failles et favoriser un accroissement de la production continentale.
- Protéger le système de gestion de l’offre au Canada. Cela permettra de garantir à la population canadienne l’accès à des aliments de haute qualité, produits localement, et de soutenir les petites exploitations agricoles familiales et les collectivités rurales.
- Protéger les services publics existants ainsi que ceux à venir, notamment tout nouveau programme national d’assurance-médicaments.
- Négocier un règlement équitable du conflit du bois d’œuvre. Les États-Unis ont attaqué le Canada à plusieurs reprises devant les tribunaux de l’Organisation mondiale du commerce et de l’ALÉNA sur la question du commerce du bois d’œuvre. Les deux tribunaux ont statué en faveur du Canada. Les règles actuelles régissant le commerce bilatéral du bois d’œuvre entre les deux nations sont équitables, quoi qu’en dise l’industrie du bois américaine. L’Accord sur le bois d’œuvre résineux entre le Canada et les États-Unis d’Amérique est arrivé à échéance en 2015 et l’on craint que le gouvernement américain opère des changements menés par le secteur qui pourraient s’avérer préjudiciables à l’industrie canadienne. Le gouvernement canadien doit veiller à la protection des travailleuses et travailleurs forestiers au Canada, et à ce que tout nouvel accord conclu (dans ou hors du cadre de l’ALÉNA) respecte les règles assurant un équilibre transfrontalier.
- Gérer les marchés publics de manière stratégique et efficace pour atteindre les objectifs du Canada en matière de développement économique. Les règles sur le label « acheter américain » auront certainement un impact négatif sur l’emploi au Canada, même si nous réussissons à obtenir quelques concessions pour des secteurs névralgiques tels que l’acier. Alors que les règles proposées en vertu de l’ALÉNA limiteraient la capacité du Canada à introduire des politiques semblables – « acheter canadien » –les dépenses d’infrastructure à venir laissent prévoir une certaine marge de manœuvre pour soutenir l’industrie canadienne et l’emploi.
- Veiller à ce que les secteurs non encore concernés par l’ALÉNA ne soient pas repris lors de nouvelles négociations.
- Les syndicats et la société civile doivent participer dès le départ. Les syndicats et la société civile peuvent offrir une perspective privilégiée issue d’une expérience sur le terrain et de connaissances concrètes. Tout accord négocié en secret provoque inéluctablement méfiance et scepticisme.
Le mouvement syndical canadien est optimiste quant à cette opportunité de réécrire les règlements de l’ALÉNA. Nous déploierons tous les efforts nécessaires pour que les nouveaux accords commerciaux soient équitables et protègent les droits des travailleuses et des travailleurs, les services publics, le droit du gouvernement de légiférer dans l’intérêt public et notre environnement.