Au milieu des scandales de corruption en série, la décision du parlement brésilien d’abroger un vaste éventail de protections dans la législation du travail menace de plonger des millions de personnes dans la pauvreté et de laisser les travailleurs entièrement à la merci des employeurs, en accordant à ces derniers le pouvoir de fixer unilatéralement les salaires, les droits aux congés, les heures de travail et les primes.
Le passage en force de ces réformes extrêmement impopulaires au Sénat brésilien le 12 juillet rendra aussi plus difficile l’adhésion des travailleurs aux syndicats et réduira les protections en matière de santé et sécurité pour les travailleuses enceintes, privant nombre d’entre elles de leur assurance chômage.
Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI, a déclaré : « Ce démantèlement sans précédent de la législation du travail est une aubaine pour la cupidité corporatiste, où une poignée de puissants oligarques anxieux de restituer le Brésil à son passé féodal s’apprêtent à amasser des profits incommensurables aux dépens de familles modestes de la classe laborieuse. Ce sont ces mêmes industriels qui avaient ourdi la campagne de discrédit qui a conduit à la destitution illégitime de la présidente Dilma Rousseff. Ils sont les principaux bénéficiaires des coupes projetées dans le cadre des droits de pension et de la loi sur l’austérité sur 20 ans, qui prive les pauvres du Brésil de sécurité sociale et de l’accès aux soins de santé et à une éducation décente. »
Des dizaines de millions de Brésiliens se sont mobilisés dans le cadre de manifestations publiques contre les plans de réforme économique, social et du travail du gouvernement présidé par Michel Temer, qui a destitué Dilma Rousseff à l’issue d’un putsch constitutionnel en août dernier et dont le taux d’approbation se situe actuellement aux alentours de 7%. Si Temer fait désormais l’objet d’accusations d’une extrême gravité, l’accord de deux tiers de la chambre basse du parlement brésilien est requis pour que le président soit inculpé et traduit devant la Cour suprême. Les députés d’opposition mettent à présent en cause l’octroi soudain par l’administration Temer de fonds à hauteur de 500 millions USD au bénéfice de politiciens et de pouvoirs publics locaux depuis début mai. Plusieurs responsables ministériels de Temer ont été limogés sur des chefs de corruption, alors que le ministre de la Justice, Rodrigo Janot, a laissé entendre que les pots-de-vin touchés par Temer lui-même pourraient s’élever à 12 millions USD.
Entre temps, l’homme politique le plus populaire du Brésil, l’ancien président Lula Da Silva, a été condamné à une peine de 9½ de prison par le juge populiste Sergio Moro, en dépit de l’absence de preuves factuelles à l’appui du jugement. Moro est régulièrement invité à l’antenne du géant multimédia Globo, propriété de la famille Marinho, l’une des familles les plus puissantes du Brésil, dont la fortune est estimée à plus de 10 milliards USD.
« La sentence délivrée par Sergio Moro, qui a fait preuve d’un total manque d’indépendance judiciaire dans ses poursuites contre Lula, est une parodie de justice. Tandis que les corrompus continuent d’occuper les sièges du parlement ainsi que certaines des fonctions les plus élevées de l’État, la procédure à l’encontre de Lula vise clairement à l’empêcher de briguer un nouveau mandat présidentiel aux prochaines élections, qu’il est susceptible de remporter haut la main vu le niveau de soutien dont il jouit dans le pays et le bilan remarquable des années durant lesquelles il a occupé la présidence, où des millions de personnes ont été sorties de la pauvreté », a indiqué Sharan Burrow.