Lettre de Fred Hospes au ministre du Travail

Lettre de Fred Hospes au ministre du Travail

PAR COURRIEL
Vancouver, 8 janvier 2020
L’honorable Filomena Tassi, ministre du Travail,

Nous voulons attirer votre attention sur une situation très préoccupante qui contribue à la dégradation des conditions et de l’environnement de travail dans les aéroports canadien depuis de nombreuses années.

L’AIMTA représentante 22 000 travailleurs et travailleuses repartis dans tous les grands aéroports canadiens, nous avons pu constater les nombreux problèmes provoqués par les pratiques de transfert de contrat de services aéroportuaires mieux connues sous son appellation anglaise de « contract flipping ».

Cette pratique consiste à relancer un processus d’appel d’offres dans le but de trouver le plus bas soumissionnaire possible. Ce phénomène de plus en plus répandu crée un déséquilibre dangereux dans les relations de travail et ouvre la voie à des abus de la part de certains employeurs.
Lors d’un renversement de contrat de service aéroportuaire, les travailleurs et travailleuses et leurs syndicats n’ont aucun levier pour protéger les conditions de travail qu’ils ont bâti au fil du temps. Cette situation fait en sorte qu’en situation de transfert de contrat, un travailleur qui veut exercer le même métier se voit imposer des reculs importants dans ses conditions de travail et ses conditions de vie par l’entreprise qui a remporté le contrat.

Le conflit actuel, à l’aéroport Montréal-Trudeau, impliquant une centaine de nos membres de la Section locale 2301 et Swissport Fueling Services en est un bon exemple. Lorsque le contrat d’avitaillement des aéronefs pour les aéroports Montréal-Trudeau et Mirabel est passé aux mains de Swissport, l’entreprise n’avait aucune obligation envers le groupe de travailleurs et de travailleuses réalisant ces opérations pour l’employeur précédent (CAFAS).

Des travailleurs avec 25 ans d’expérience se sont retrouvés devant le choix de changer d’emploi ou de postuler pour le même emploi en acceptant un recul majeur de leurs conditions de travail. Par exemple, en ce qui concerne les salaires, pour un agent de ravitaillement d’expérience, Swissport offre une rémunération d’environ 16 dollars de l’heure, alors qu’avant 2016, réaliser les mêmes tâches, au même endroit, avec les mêmes responsabilités, les mêmes horaires et le même équipement, l’employeur précédent offrait 24 dollars de l’heure. C’est inacceptable.

Nous croyons qu’il est plus que jamais nécessaire de rétablir l’équilibre dans les négociations entre les syndicats et les employeurs afin d’assainir l’environnement de travail dans les aéroports canadien et d’y garantir des emplois de qualité. Pour y arriver, votre gouvernement a le devoir d’agir pour que le transfert de contrat de service aéroportuaire ne soit plus utilisé pour brimer les droits des milliers de travailleuses et travailleurs canadiens.

D’ailleurs, durant le dernier mandat de votre gouvernement nous avons multiplié les interventions et les rencontres auprès des représentants du gouvernement canadien pour qu’il règle ce problème. Lors de la dernière réforme du Code du travail, piloté par votre collègue Patty Hajdu, nous avons soumis une série de recommandations pour mettre fin à cette pratique injuste. Malheureusement, rien n’a été fait.

Nous vous demandons donc à nouveau de mettre fin à cette façon de faire injuste et irrespectueuse qui n’a pas sa place dans nos aéroports. En plus de briser les conditions de travail et de briser des vies, le transfert abusif de contrat de service aéroportuaire nuit également à la qualité, l’efficacité et la sécurité des services offerts dans nos aéroports. Si rien ne change, cette pratique qui profite seulement aux transporteurs aériens et aux gestionnaires deviendra une source grandissante de conflits et de perturbations du transport aérien au Canada.

Nous croyons qu’il devrait y avoir une transmission des droits des travailleurs et de la convention collective lors du passage d’un contrat d’un employeur à l’autre. Les soumissionnaires de contrats devraient en tenir compte lorsqu’ils participent à un appel d’offres. Les travailleurs et travailleuses devraient pouvoir maintenir leurs conditions de base et ne pas repartir de zéro dans leur négociation.

Pour ce faire, nous recommandons :

  • Que les articles 44 et 47.3 du Code canadien du travail s’appliquent à tout entrepreneur de
    services de l’administration aéroportuaire ainsi qu’aux administrations aéroportuaires.
  • Que les avantages protégés par ces articles soient clairement définis et qu’il ne soit pas laissé à
    l’employeur de les déterminer.
  • Que le gouvernement élabore et met en oeuvre un mécanisme qui favorise une relation fondée
    sur la responsabilisation et la transparence envers le gouvernement, le ministre de
    l’Infrastructure ou Transports Canada et qu’il s’assure de la reddition de comptes et le respect
    de la législation.
  • Que des comités pour chaque province et territoire soient créés pour examiner les contrats et
    les transferts de contrat afin d’assurer la protection des travailleurs et des travailleuses.
    Notre position est que la rémunération, les postes à temps plein, l’ancienneté, les vacances, les prestations de santé, les congés et le régime de retraite devraient minimalement être maintenus.

Les conventions collectives et les accréditations syndicales ne devraient pas être annulées à la suite d’un transfert de contrat. Autrement nos aéroports vont devenir une fabrique de précarité au travail.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma très haute considération.

Fred Hospes
Président directeur général
District des transports 140, AIMTA
FH/mb
cc : Premier ministre du Canada, Justin Trudeau (Papineau)
cc : Ministre des Transports, Marc Garneau (Wesmount)