J’ai récemment écrit un article sur les « pensions en crise » et sur ce qui devait être fait pour mieux protéger le revenu des personnes âgées au Canada.
Alors que plusieurs provinces élaborent de nouvelles règles sur les pensions, c’est le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, qui a fait les premiers pas concrets, en annonçant le 26 octobre les modifications qu’il propose à la loi fédérale sur les pensions.
Bien que l’annonce du ministre Flaherty contienne des éléments positifs, c’est encore loin de ce dont nous avons besoin. Dans le meilleur des scénarios, ses propositions auront pour effet d’améliorer très minimalement la sécurité des régimes de retraite privés, mais ne contribueront aucunement à assurer à la majorité des travailleurs sans régime de retraite un revenu adéquat.
Abordons d’abord la question plus générale. Le ministre Flaherty ne propose aucune bonification des pensions publiques – Sécurité de la vieillesse, Supplément de revenu garanti et Régime de pensions du Canada – dont une majorité de pensionnés canadiens dépendent pour la quasi-totalité de leur revenu de retraite. Il ne propose rien pour accroître la couverture des régimes privés.
Le ministre Flaherty propose principalement de modifier la Loi sur les normes de prestation de pension, qui régit les régimes de retraite des entreprises de compétence fédérale (compagnies aériennes, banques, chemins de fer, etc.). À l’échelle nationale, ces régimes ne couvrent qu’environ un dixième des travailleurs qui participent à un régime de retraite.
Bien que la proposition du ministre Flaherty vise d’abord et avant tout à rehausser la protection offerte aux participants à des régimes de retraite, elle ne contribuera pas à mieux protéger les prestations de retraite. Dans les faits, elle pourrait même offrir moins de protection aux participants.
D’abord, voici la bonne nouvelle :
Le ministre Flaherty mettrait la loi fédérale en accord avec toutes les autres lois au Canada, à l’exception de celle de la Saskatchewan, en obligeant les employeurs solvables à assurer la capitalisation intégrale des prestations de pension à la cessation de leur régime sous-capitalisé. Cette obligation se fait attendre depuis longtemps. C’est d’abord le gouvernement libéral de l’époque, il y a plus de dix ans, qui en avait fait la promesse, mais les libéraux n’ont jamais tenu leur promesse.
Aussi, la possibilité pour les employeurs de suspendre leurs cotisations serait limitée, sauf s’ils disposent d’un coussin financier de 5 %. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un changement énorme, il s’agirait de la première fois qu’on limite la possibilité pour les employeurs de suspendre leurs cotisations.
L’obligation de procéder annuellement à une évaluation actuarielle compliquerait aussi la tâche aux employeurs cherchant à suspendre leurs cotisations sur la base de données caduques, mais cette mesure pourrait aussi s’avérer un fardeau financier pour les plus petits régimes.
La Loi de l’impôt sur le revenu serait aussi modifiée pour augmenter de 10 % à 25 % le seuil du surplus des caisses de retraite avant que l’employeur ne puisse suspendre ses cotisations. Une telle souplesse accrue se fait attendre depuis longtemps, mais cette mesure aurait probablement un effet limité – du moins à court terme – puisqu’une majorité de régimes sont actuellement déficitaires.
Par ailleurs, le ministre Flaherty permettrait aux employeurs de calculer la capitalisation sur la base d’une moyenne mobile des ratios de solvabilité sur trois ans. Ainsi, les employeurs pourraient réduire leurs cotisations en situation de recul des marchés.
Surtout, le ministre Flaherty ne propose rien de nouveau pour protéger les pensions des travailleurs en cas de faillite de leur employeur. Il ne prévoit aucune assurance-retraite et n’accorde aucun statut prioritaire aux caisses de retraite dans la législation relative à la faillite et l’insolvabilité.
Une autre proposition est de limiter la majoration des prestations afin de maintenir le niveau de solvabilité des caisses de retraite à 85 % ou plus en tout temps. Bien que cet engagement semble constituer une protection contre les promesses imprudentes, il s’agit d’une règle rigide qui ferait en sorte de compliquer grandement l’amélioration des régimes de retraite à rente uniforme négociée pour tenir compte de l’augmentation des salaires et du coût de la vie.
La seule amélioration importante que propose le ministre Flaherty aux normes minimales est l’obligation d’une acquisition, dès l’adhésion du participant à un régime, des droits à retraite portés à son compte. À l’heure actuelle, le maximum est fixé à deux ans. Cette disposition est conforme à la loi en vigueur au Québec. Cependant, l’admissibilité à des prestations pourrait continuer d’être soumise à un délai de carence jusqu’à concurrence de deux ans, et la période maximale avant que des prestations ne soient immobilisées demeurerait fixée à deux ans.
Le ministre Flaherty a annoncé un certain nombre d’autres changements. Ce sont surtout des modifications techniques, difficiles à évaluer avant que la législation ne soit rédigée. Ces modifications devront être scrutées à la loupe pour assurer qu’elles améliorent – plutôt que minent – la loi.
Cependant, pour ce qui est des questions fondamentales de la protection des prestations et l’assurance d’un revenu décent pour toutes les personnes âgées, il est clair que le ministre Flaherty a manqué la cible.