Cinquante éminents économistes canadiens ont récemment publié une lettre ouverte appuyant la décision d’augmenter le salaire minimum en Ontario à 15 $ de l’heure. Voici un extrait de leur déclaration :
Augmenter le plancher salarial est tout à fait judicieux d’un point de vue économique.
À l’heure actuelle, le salaire minimum de l’Ontario est de 11,40 $ de l’heure. Si on l’ajuste en fonction de l’inflation, ce salaire est à peine un dollar de plus que sa valeur en 1977. Pourtant, au cours des mêmes quatre décennies, la productivité moyenne des travailleurs a augmenté de 40 % et la prévalence du travail au salaire minimum s’étend de plus en plus. Environ 1 travailleur sur 10 en Ontario gagne le salaire minimum en ce moment, et on observe une augmentation importante de cette proportion au cours des deux dernières décennies.
De faibles salaires sont mauvais pour les travailleurs sur le plan individuel. Une personne qui travaille à temps plein à l’année longue au salaire minimum peut toujours arriver tout juste en dessous du seuil de la pauvreté. La situation pour ce qui est des travailleurs employés au salaire minimum qui essaient de subvenir aux besoins de leur famille n’est pas mieux—et les preuves indiquent que c’est ce que l’on exige de plus en plus de la part des travailleurs qui touchent le salaire minimum. Le stéréotype de l’adolescent qui vit chez ses parents et qui gagne le salaire minimum est dépassé : plus de 60 % des travailleurs qui gagnaient le salaire minimum en Ontario en 2015 étaient âgés de plus de 20 ans et plus de 80 % d’entre eux gagnaient 15 $ de l’heure ou moins.
Mais les faibles salaires sont également mauvais pour l’économie. Ils constituent de bonnes raisons économiques d’augmenter les revenus des travailleurs à faible salaire. La demande globale a besoin d’être stimulée. Bien que le Canada ait échappé aux répercussions les plus dures de la crise financière de 2007-2008, notre pays a également connu un ralentissement sur le plan de la croissance. Nous risquons une stagnation accrue si nous ne revigorons par les moteurs économiques. Comme ceux qui ont de plus faibles revenus dépensent une plus grand partie de ce qu’ils gagnent que ceux qui ont des revenus plus élevés, augmenter le salaire minimum pourrait jouer un rôle dans la reprise économique, améliorant ainsi les conditions macroéconomiques.
Depuis plusieurs années, nous entendons dire que l’augmentation du salaire minimum fera disparaître des emplois, augmentera les prix et poussera des entreprises à fuir l’Ontario. C’est une campagne de peur qui ne concorde pas avec les recherches économiques les plus récentes. En utilisant des techniques améliorées qui isolent soigneusement les effets des augmentations du salaire minimum du reste du bruit dans les données économiques, le poids de la preuve provenant des États-Unis pointe vers des effets liés à la perte d’emplois statistiquement impossibles à différencier d’effets nuls. Les rares études très récentes du Canada qui ont utilisé ces méthodes économiques sont unanimes et constatent des effets liés à la perte d’emplois pour les adolescents la moitié moins considérables que ceux d’études réalisées auparavant et aucun effet pour les travailleurs âgés de plus de 25 ans.
À l’échelle de l’Amérique du Nord, il y a plus d’augmentations du salaire minimum au cours des dernières années, certaines assez importantes. Et à venir jusqu’ici, aucune des prédictions alarmistes et pessimistes ne s’est réalisée. Seattle et la municipalité de SeaTac, deux des premières administrations à instaurer des augmentations du salaire minimum, continuent de prospérer après ces augmentations.
On appelle peut-être l’économie la « science lugubre », mais pour ce qui est de la question du salaire minimum, plusieurs économistes sont prêts à admettre que le poids de la preuve tend vers un argument solide en faveur de l’augmentation du salaire minimum. Six cents de nos collègues aux États-Unis, dont sept lauréats d’un Prix Nobel, ont signé une lettre insistant pour que le gouvernement des États-Unis augmente le salaire minimum fédéral, qui est de 7,25 $ de l’heure à l’heure actuelle, à 10,10 $ de l’heure, ce qui représente, toutes proportions gardées, une augmentation encore plus importante que celle de 11,40 $ à 15 $ qui est proposée en Ontario.
Il n’y aucun consensus contre l’augmentation du salaire minimum au sein de notre profession; en effet, on commence à comprendre que c’est plutôt un consensus contraire qui domine. Nous croyons que l’augmentation du salaire minimum de l’Ontario à 15 $ de l’heure est une bonne idée, judicieuse d’un point de vue économique.
Signée par Sheila Block, Jim Stanford, Armine Yalnizyan et cinquante autre économistes sur progressive-economics.ca