L’AECG érode les droits des travailleurs

 

Par Aurélie Sarrabezolles
Directrice de la recherche de l’AIM Canada

Introduction
Les accords de libre-échange sont censés stimuler l’économie, promouvoir l’emploi et permettre aux différents secteurs économiques de prospérer. L’Accord économique et commercial global (AECG)[i] conclu entre le Canada et l’Union européenne (UE) est décrit par Affaires mondiales comme « un accord de haut niveau qui renforce les liens fondamentaux unissant la relation entre le Canada et l’UE. L’AECG couvre tous les aspects importants de nos vastes échanges commerciaux avec l’UE, incluant : les produits et services, l’investissement, les marchés publics et la coopération en matière de réglementation. L’AECG va permettre au Canada d’avoir accès au plus grand marché du monde, avec ses 500 millions d’habitants répartis dans 28 pays et un PIB combiné de 20 billions de dollars. » Durant le processus de négociation qui s’est déroulé à huis clos sur plusieurs années, les syndicats n’ont pas été consultés une seule fois. Il est intéressant de noter que le texte de l’accord a fait l’objet d’une fuite, ce qui a forcé à la fois l’UE et le Canada de faire de la version divulguée la version définitive. Dans cet article, nous souhaitons mettre à jour rapidement nos membres sur l’accord et faire ressortir ses aspects néfastes pour la main-d’œuvre et les droits des travailleurs.

Un nouveau contexte politique : le Brexit et la campagne présidentielle américaine
Le 23 juin 2016, 52 % des électeurs britanniques ont décidé qu’ils ne voulaient plus que la Grande-Bretagne fasse partie de l’UE. La mise en œuvre du processus du « Brexit » nécessitera deux ans de travail, mais ce tournant politique majeur a semé l’émoi dans un bon nombre de pays. Depuis le Brexit, l’actuel gouvernement libéral est très hésitant à négocier l’accord.[ii] Une autre intéressante dynamique qui se joue actuellement est la rhétorique anti-libre-échange qui prend de l’ampleur aux États-Unis. Donald Trump et Hillary[TSF1]  Clinton ont des prises de position similaires en ce qui concerne le libre-échange. Récemment, la candidate démocrate à la présidence s’est opposée au Partenariat transpacifique et à d’autres accords commerciaux qu’elle a qualifiés de « mauvais ».[iii]

Durant la campagne électorale fédérale, les libéraux ont très clairement annoncé leur volonté de protéger la classe moyenne. À notre avis, si l’AECG est ratifié, des emplois de la classe moyenne seront mis en péril – au même titre que les salaires, les avantages sociaux et la sécurité d’emploi. Si vous pensez que l’AECG sera créateur d’emplois au Canada, comme le gouvernement libéral en fait la promotion, vous vous trompez. À une époque où les Canadiens, particulièrement les jeunes travailleurs ainsi que les travailleuses, peinent à se trouver de bons emplois, le moment est venu pour le gouvernement de donner préséance à l’intérêt public plutôt qu’aux multinationales dans ses politiques.

Un accord commercial ayant besoin de modifications
Comme l’ont souligné le Congrès du travail du Canada (CTC) et la Confédération européenne des syndicats (CES), de nombreux changements doivent être apportés à l’AECG dans sa version actuelle[iv] :

·       Éliminer le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE). Ce mécanisme central permet aux investisseurs étrangers de contester, devant un panel d’arbitrage privé, toute mesure prise par les gouvernements locaux, provinciaux et fédéral visant à protéger l’environnement ou la santé publique ou encore à promouvoir des développements ou l’emploi au Canada au détriment des profits des entreprises. Ce mécanisme n’a aucune raison d’être, car notre pays compte déjà un excellent système judiciaire. Permettre au secteur privé de s’ingérer dans le système judiciaire institutionnalisé pourrait mener à une issue désastreuse. C’est antidémocratique et contraire à l’État de droit.

·       Respecter les droits du travail;

·       Prévoir une révision;

·       Protéger les services publics.

Quant au secteur de l’aérospatiale, tel que souligné dans un article antérieur, bien que l’AECG ne concerne pas directement l’accord « Ciel ouvert » de 2009 entre le Canada et l’UE, il exercera des pressions sur notre secteur aérospatial, lequel fait déjà face à une intense concurrence européenne soutenue par les gouvernements de l’UE.

Conclusion
À moins que le Canada n’ait la volonté de modifier cet accord secret, l’AECG s’ajoutera à la longue liste d’accords commerciaux inéquitables et aura des impacts profonds sur les droits des travailleurs, notre système judiciaire et notre démocratie. Nous devons riposter et débattre de cet important enjeu, démanteler le mythe de la mondialisation et nous opposer à l’AECG.

 



[ii] Chase, Steven. « Ottawa reluctant to renegotiate EU trade deal in wake of Brexit vote » dans Globe and Mail : http://www.theglobeandmail.com/news/politics/ottawa-reluctant-to-renegotiate-eu-trade-deal-in-wake-of-brexit-vote/article30782461/ (page consultée le 8 juillet 2016)

[iii] Pitts, Don (analyse de la CBC). « Politicians must convince Canadians that trade deals pass jobless sniff test » : http://www.cbc.ca/news/business/labour-force-survey-trade-jobs-1.3668444 (page consultée le 8 juillet 2016)

[iv] CTC. « Les syndicats européens et canadiens exigent des changements à l’AECG » : http://congresdutravail.ca/news/news-archive/les-syndicats-européens-et-canadiens-exigent-des-changements-à-l’aecg (page consultée le 8 juillet 2016)


 [TSF1]Incorrect spelling in English