La retraite et vous (PARTIE II) – par Louis Erlichman

II.Au-delà du seuil de pauvreté
Dans le premier volet de cette série, nous avons démontré que les prestations publiques universelles réussissent assez bien à maintenir la plupart des Canadiens âgés autour du seuil de pauvreté. Cependant, vous permettent-elles de maintenir votre niveau de vie si vous viviez au-dessus du seuil de pauvreté pendant vos années de travail?
 
Si vous gagniez 60 000 $ annuellement avant de prendre votre retraite, vous subiriez une forte baisse de revenu si vous deviez vous contenter de 22 000 $, de 32 000 $ ou même de 38 000 $ à la retraite. Malgré certaines économies et certains avantages fiscaux offerts aux retraités, la plupart des dépenses (logement, nourriture, etc.) ne diminuent pas pour autant à la retraite. De plus, les retraités peuvent devoir composer avec de nouvelles dépenses en vieillissant – notamment s’ils éprouvent des problèmes de santé ou de mobilité.
 
Vous devez aussi tenir compte de votre « taux de remplacement », c’est-à-dire de votre revenu après votre départ à la retraite par rapport à votre revenu avant de quitter le marché du travail. Ce taux est facile à calculer. Prenons le cas du couple à revenu unique ci-dessus, qui reçoit des prestations publiques d’environ 32 000 $ par année. Si ce couple touchait un revenu de 60 000 $ au moment du départ à la retraite, son taux de remplacement s’établirait à 53 % (32 000 $/60 000 $). Il n’existe aucune formule magique pour établir le bon taux de remplacement. Cependant, plus le taux est élevé, plus vous risquez d’être en mesure de maintenir (ou même de bonifier) votre niveau de vie à la retraite.
 
Si ce couple cherchait à augmenter son taux de remplacement à 75 %, il lui faudrait trouver 13 000 $ de plus par année.
Pour hausser le taux de remplacement au-dessus de ce que permet les prestations de retraite publiques, voici deux autres sources de revenu de retraite possibles.
 
2. Régimes privés
Tous les régimes privés fonctionnent selon le même principe : on met de l’argent de côté au cours de sa vie active, on investit les sommes mises de côté en vue d’obtenir de bons rendements et on reçoit une pension à compter du départ à la retraite. Les cotisations aux régimes de retraite enregistrés ne sont pas imposables (des limites s’appliquent), mais les prestations sont imposables au moment de les toucher.
 
Il existe deux types de régimes privés :
a) Dans un régime à prestations déterminées, le montant de la prestation est garanti en fonction d’une formule. Par exemple, 40 $ par mois par année de service ou un pourcentage de votre rémunération moyenne de fin de carrière.
b) Un régime à cotisations déterminées est essentiellement un fonds personnel dans lequel les contributions de votre employeur (et peut-être aussi les vôtres) sont déposées et investies.
 
Le montant des prestations futures n’est pas garanti. Le montant de votre fonds de retraite dépendra des montants investis au fil des années et des rendements de ces placements. Vous toucherez la prestation que votre fonds sera en mesure de vous verser à la retraite, mais il est difficile de calculer même approximativement le montant de votre revenu de retraite à l’avance étant donné que votre argent risque d’être investi dans des marchés soumis à des fluctuations constantes.
 
En règle générale, tous les régimes comportent les principaux facteurs de risque suivants :
i) Risque lié aux investissements – Quel rendement obtiendrez-vous sur vos investissements? C’est une question importante, car les prestations de retraite découlent généralement davantage des revenus de placement que des montants directement déposés. Si vous prévoyez un rendement annuel de 5 %, mais n’obtenez que 2 %, votre revenu disponible sera beaucoup moins élevé que prévu.
ii) Risque lié à la longévité – C’est le risque que vous épuisiez vos ressources financières de votre vivant. Si vous prévoyez vivre 20 ans après votre départ à la retraite et touchez votre pension en fonction de cette prévision, dès la 21e année, vous aurez épuisé vos ressources, et ce, même si vous avez atteint vos objectifs en matière d’investissement.
 
Un avantage clé d’un régime à prestations déterminées est qu’il met en commun ces deux risques entre les participants.
 
Un tel régime vous garantit une prestation à vie. Vous n’aurez donc pas à vous inquiéter si vous vivez « trop longtemps ».
 
Dans le cas d’un régime à cotisations déterminées, vous devrez vous soucier non seulement du rendement à long terme de vos investissements, mais aussi du moment de votre départ à la retraite. Si vous quittez au moment où les marchés sont en baisse, vous devrez composer avec des prestations amputées ou encore reporter votre départ à la retraite. Par ailleurs, étant donné que les fonds investis sont mis en commun dans un régime à prestations déterminées, le montant de vos prestations ne sera probablement pas réduit advenant un ralentissement temporaire des marchés. Aussi, dans le cas d’un régime à employeur unique, l’employeur a l’obligation de combler les déficits de capitalisation, s’il y a lieu.
 
Étant donné que les régimes à prestations déterminées mettent en commun les risques liés aux investissements et les risques liés à la longévité, ils vous assurent normalement de meilleurs rendements sur vos investissements, des frais d’investissement moins élevés (ces frais jouent gros dans l’établissement du rendement) et – donc – des prestations plus élevées.
 
Bien des personnes n’ont aucune idée des montants qu’elles paient en frais d’investissement dans le cadre de leur régime à cotisations déterminées ou leur REER. Certaines personnes pensent même qu’elles ne paient aucuns frais, car les banques et d’autres fournisseurs font des pieds et des mains pour ne pas divulguer les frais qu’ils perçoivent. Ces frais peuvent avoir une incidence majeure sur les prestations de retraite que vous toucherez au final. Si vous payez des frais annuels de 1 % (portez attention au ratio des frais de gestion [RFG] de vos fonds), vous perdrez environ 1/6e de votre pension. Si vous payez des frais de 2 %, vous perdrez environ le tiers et, à 3 %, ces frais vous feront perdre environ la moitié de votre pension.
 
Vous comprendrez donc pourquoi votre « conseiller financier » n’est peut-être pas enclin à vous informer que votre argent finance mieux sa retraite que la vôtre.
 
Si vous contribuez à un régime à cotisations déterminées ou à un REER, insistez pour qu’on vous indique le montant que vous payez en frais. Aujourd’hui, certains fonds négociés en bourse (FNB) produisent les mêmes rendements que les indices du marché large, mais perçoivent des frais de moins de 0,5 % par année. Si les frais que vous payez sont plus élevés, exigez d’en connaître la raison, que vous cotisiez à votre propre REER, à un REER collectif ou à un régime à cotisations déterminées.
 
Des régimes à prestations déterminées multi-employeurs – comme le Régime syndical-patronal de l’AIM et le Plan de pension multi-employeur de l’AIM – offrent les avantages d’un régime à prestations déterminées aux travailleurs dont l’employeur n’offre pas un tel régime. Le dernier volet de cette série porte davantage sur les régimes multi-employeurs.
 
3.Épargne personnelle
La troisième source de revenu de retraite la plus courante est l’épargne personnelle.
 
Une majorité d’épargnants investissent leurs épargnes personnelles dans un régime enregistré d’épargne-retraite (REER). Les cotisations à un REER sont déductibles du revenu imposable (des limites s’appliquent) et les impôts sur les revenus de placement d’un REER sont différés jusqu’au moment où vous commencez à toucher des prestations.
 
À l’instar d’un régime à cotisations déterminées, un REER permet de se constituer un fonds à partir de contributions et de revenus de placement. À la retraite, ces montants permettent l’achat d’une rente de retraite (fondamentalement une pension à vie d’une compagnie d’assurance). Vous pouvez également retirer des prestations à long terme par le biais d’un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR).
 
Cependant, les REER ont les mêmes inconvénients que les régimes à cotisations déterminées. Vous assumez tout le risque lié à la longévité (si vous n’optez pas pour une rente) et tout le risque lié aux investissements. De plus, vous risquez de perdre gros en frais d’investissement.
 
En bref, un régime à prestations déterminées représente toujours la meilleure solution.
 
Donc, comment pouvez-vous déterminer si la planification financière de votre retraite est adéquate? Et comment pouvez-vous combler les lacunes? Le troisième volet de cette série répondra à ces deux questions.