La dévastation économique et le chômage de masse résultant de la pandémie ont mis en évidence les insuffisances des politiques, des programmes et des lois en place. Le programme d’assurance-emploi s’est révélé particulièrement inadéquat pour répondre aux besoins des personnes qui ont perdu leur emploi, de façon permanente ou temporaire. Seulement quelque 39 % des demandeurs sont admissibles à l’assurance-emploi et ce pourcentage est encore plus faible parmi les femmes.
En réponse à la crise, et afin de stabiliser l’économie, le gouvernement fédéral a introduit la Prestation canadienne d’urgence (PCU), qui fournit une allocation mensuelle de 2 000 $. La PCU est unique en ce sens qu’elle n’est pas soumise à un critère de revenu et que les paramètres d’admissibilité sont larges. Compte tenu de l’incertitude quant à la durée de la crise et à la rapidité avec laquelle la PCU a été lancée, l’idée d’une allocation universelle en tant que politique publique a suscité une certaine attention.
L’Institut Broadbent a organisé une séance sur les modèles de politiques publiques en réponse à des crises ainsi que sur les questions d’équité, de justice et d’impartialité. Il est apparu clairement que l’allocation universelle est un concept mal défini, sans lignes directrices claires sur la manière dont il est administré, qui le finance, l’admissibilité et l’objectif visé. La gauche politique utiliserait l’allocation universelle pour lutter contre les inégalités, tandis que l’extrême droite verrait en cette allocation un moyen de réduire la dépendance à l’égard de l’État et de promouvoir la fourniture de biens et de services par le biais du marché. En tant qu’outil, cette allocation semble être brutale et potentiellement désastreuse, selon la personne qui l’administre.
L’économiste Armine Yalnizan a fait valoir que nous sommes dans une ère de croissance économique réduite et de baisses des salaires et de l’inflation, qui se conjugue avec une population en âge de travailler relativement petite par rapport à celle qui ne travaille pas. Autrement dit, l’assiette fiscale est limitée et lourdement sollicité. M. Yalnizan a mis en garde contre l’allocation universelle étant donné qu’elle ne permettrait pas de « relever le plancher », mais qu’elle désavantagerait plutôt ceux qui ont moins de ressources, de sorte que la question de l’équité et de la justice ne serait pas abordée. Comme l’a déclaré M. Yalnizan, « l’allocation universelle n’est pas la recette miracle pour assurer la dignité [des gens] ».
Yalnizan a souligné que, parmi les pays membres du G7, le Canada a le taux le plus élevé d’utilisation de travailleurs faiblement rémunérés, soulignant que l’accent mis sur l’attaque contre les travailleurs ne devrait pas être perdu une fois la pandémie terminée. Il est temps de renouveler les appels en faveur d’emplois décents, de la qualité de vie au travail et de salaires vitaux. C’est également le moment de marchandiser le travail qui n’a traditionnellement pas été marchandisé et valorisé, comme le travail des femmes, qui est évalué à 10 billions de dollars par an.
De plus, les systèmes de revenu à plusieurs paliers, comme l’était l’assurance-emploi dans les années 1940, étaient censés réduire l’impact d’un ralentissement économique et maximiser le pouvoir d’achat tout en stabilisant automatiquement l’économie. Dans le cadre du système d’assurance-emploi actuel, seulement 39 % des personnes – et seulement 32 % des femmes – qui présentent une demande sont admissibles. En tant que mesures, l’allocation universelle et les programmes similaires aident simplement les gens à rester à flot pendant les périodes difficiles.
Yalnizan appelle les organisations progressistes et le mouvement dans son ensemble à faire pression pour des politiques qui redistribuent le pouvoir et la richesse et compriment la distribution des salaires, en améliorant l’assurance emploi, les politiques de salaire vital, la socialisation des soins, le logement abordable, l’accès aux soins de santé et, de manière générale, en soutenant les modèles qui redistribuent la richesse et le pouvoir, comme le fait l’assurance maladie. Il est impératif que les politiques publiques soient affinées pour s’attaquer aux écarts et aux inégalités systémiques qui sont particulièrement évidents dans les situations de crise. C’est maintenant l’occasion de se préparer aux catastrophes d’une manière qui ne touche pas de manière disproportionnée les plus vulnérables.