Pour les syndicats, le Pakistan n’a pas tiré les leçons de la tragédie de Gadani

Pour les syndicats, le Pakistan n'a pas tiré les leçons de la tragédie de Gadani

24.04.2018
Le 1er novembre 2016, 29 travailleurs ont été tués et plusieurs autres blessés alors qu’ils démantelaient un pétrolier au chantier de démolition navale de Gadani, au Pakistan. Lors d’un séminaire sur cette industrie organisé par notre affiliée la Fédération nationale des syndicats (NTUF), le 21 avril à Karachi, des intervenants ont indiqué que le gouvernement ne semble avoir tiré aucun enseignement de cette tragédie.

Dans une industrie souvent considérée comme la plus dangereuse au monde, le chantier de démolition navale de Gadani, au Pakistan, est l’un des pires qui soient. Les syndicats estiment que le non-respect des normes du travail internationalement acceptées et la négligence criminelle du gouvernement pakistanais et des employeurs, qui foulent au pied les droits au travail et mettent la vie des travailleurs en danger, viennent encore aggraver la situation. Le gouvernement a donné aux employeurs et à leurs sous-traitants un permis de tuer les travailleurs alors que, malgré toutes ces victimes, aucun n’est poursuivi. Pour les syndicats, il faut d’urgence mettre en œuvre des normes du travail conformes aux conventions de l’OIT, aux principes directeurs pour les industries du démantèlement des navires de l’Asie du sud et de Turquie, et à la Convention de Hong Kong.

À Gadani, ils sont des milliers à travailler dans des conditions inhumaines sans aucune sécurité. Chaque jour, des travailleurs sont tués ou handicapés pour la vie. Pourtant, le gouvernement n’accorde aucune attention aux droits des travailleurs, à la santé et la sécurité, ce qui fait que quantité d’accidents ne sont pas signalés. Les travailleurs sont privés de leurs droits constitutionnels et légaux à un salaire équitable et une couverture médicale.

Dans son exposé lors du séminaire, le Secrétaire général adjoint de notre affiliée NTUF, Nasir Mansoor, a déclaré que l’industrie de la démolition navale rapporte des milliards de roupies aux autorités fédérales et provinciales, emploie directement et indirectement des milliers de travailleurs et fournit jusqu’à 30 pour cent des besoins en fer du pays :

“Mais à cause de la négligence du gouvernement, cette industrie se détériore avec des résultats catastrophiques. Le pays doit maintenant importer du fer en quantité, et des industries en aval, étroitement liées à la démolition de navires et qui emploient plus de deux millions de personnes, voient leur avenir s’assombrir.

“Partout dans le monde, des industries comparables ont su changer après avoir appliqué des normes et droits au travail conformes aux conventions internationales. À Alang, en Inde, on a commencé à appliquer un code de la démolition de navires après une décision de la Cour suprême et le nombre des accidents et des blessés a sensiblement baissé. Cela a aussi contribué à faire d’Alang le plus grand chantier de démantèlement du monde, avec 60.000 salariés directs.”

Alors qu’elle fut dans le passé une des premières industries de déconstruction navale au monde, employant près de 35.000 personnes qui ne sont plus que 10.000 aujourd’hui, son déclin pourrait encore s’accentuer.

Pour Bashir Mehmoodani, le Président du Syndicat des travailleurs de la démolition de navires de Gadani, le gouvernement, les pouvoirs publics et les employeurs doivent prendre des mesures concrètes pour sauver l’industrie de la faillite :

“Il faudrait des consultations sérieuses avec les syndicats et les représentants des travailleurs afin de garantir les droits au travail.”

La NTUF a préparé un projet de loi sur la démolition des navires. Il a été transmis au gouvernement du Baloutchistan, qui doit encore lui donner suite. Le syndicat dispense aussi aux travailleurs une éducation sur leurs droits et une formation au travail dans des conditions dangereuses.

Les participants au séminaire réclament :

  • Une législation pour l’industrie de la démolition navale qui soit conforme aux principes directeurs de l’OIT;
  • La ratification de la Convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires;
  • Un mécanisme de consultation tripartite;
  • Qu’une loi sur la démolition des navires soit élaborée, votée par l’assemblée et appliquée;
  • Les organisations syndicales doivent être reconnues et consultées;
  • L’accès à des services d’ambulance, un dispensaire et de l’eau potable saine pour tous les travailleurs de tous les chantiers de démolition navale, ainsi qu’un hôpital à Gadani;
  • La construction à Gadani d’une cité ouvrière avec toutes les infrastructures de base, pour l’enseignement et la santé, et un réseau de communication adéquat.