Le présent rapport repose sur l’information transmise dans le cadre de la Conférence sur l’entretien, la réparation et la révision (ERR) tenue à Grapevine, au Texas, en avril 2009. Toutes les données présentées ci-dessous sont celles qui étaient disponibles au moment de la tenue de cette conférence. Cette conférence est considérée comme la plus importante de son genre au monde. Elle réunit les principaux acteurs internationaux de l’industrie d’entretien, de réparation et de révision et de l’industrie du transport aérien.
Une partie des données provient des réponses aux sondages de 140 dirigeants de lignes aériennes et d’entreprises d’ERR dans le monde. Les répondants représentaient un mélange de lignes aériennes principales, de transporteurs à faibles coûts, de transporteurs régionaux et de transporteurs mixtes en Amérique du Nord, en Europe et dans d’autres régions du globe comme l’Asie, le Moyen-Orient et l’Inde. D’autres données ayant mené aux conclusions présentées dans les rapports provenaient des sources traditionnelles dans le marché financier.
Parmi les sujets couverts durant la conférence, mentionnons les prévisions financières pour les lignes aériennes et l’industrie d’ERR, des questions environnementales, les points de vue d’analystes de l’industrie financière, la capacité de l’industrie d’ERR, les tendances vertes, des mises à jour des avionneurs Boeing et Airbus, les tendances en entretien commercial, l’utilisation et la gestion des actifs ainsi qu’une discussion ouverte animée par la FAA sur les questions du jour.
Ce fut une conférence intéressante avec des discussions, des prévisions et la présentation de données financières par des groupes corporatifs et des experts financiers pour aider les entreprises à comprendre et à prendre les bonnes décisions dans leur milieu. Selon moi, étant donné l’actuelle perturbation des marchés financiers, cette information était très utile et m’a permis de comprendre la situation et la direction de l’industrie aéronautique et de l’industrie d’ERR.
Le point sur la situation financière du marché de l’aviation
De toute évidence, le marché mondial traverse une grave période de repli, très similaire à celle vécue en 1982. En raison du fléchissement de l’économie, les transporteurs aériens offrent moins de vols. Par exemple, au premier trimestre de 2009, les déplacements en classe affaire ont chuté de 30 % et le nombre de vols a été réduit de 11 %. En règle générale, les recettes provenant de la vente de billets en classe affaire ont diminué de 18 % et le marché du transport de marchandises a enregistré une baisse de 20 %.
L’industrie d’ERR a enregistré une croissance générale d’environ 1 % par rapport à 2008, alors que le cours du pétrole a chuté de 150 $ à 50 $ le baril. La majorité des experts ne s’attendent pas à une reprise du secteur de l’aviation avant 2010 au plus tôt alors que d’autres ne voient aucune possibilité de reprise avant 2011 ou 2012.
Quant au reste de l’année 2009, les résultats dépendront des mesures que prendront les gouvernements. L’industrie réclame un gel des frais et considère problématiques les ententes en matière de plafonnement et d’échanges.
Aux États-Unis, l’industrie demande au gouvernement d’introduire de nouvelles technologies dans le système de contrôle du trafic aérien et d’adopter de nouvelles politiques énergétiques interdisant aux investisseurs de spéculer sur le pétrole.
Une chose est certaine : le nombre de passagers qui voyageront par avion durant l’été 2009 demeure inconnu et dépendra des répercussions des mesures gouvernementales et du fait que l’économie continuera de reculer. Traditionnellement, l’industrie du transport aérien accuse un retard considérable sur l’économie.
Des sociétés comme UPS ont perdu jusqu’à 8,5 milliards de dollars en 2008 et jusqu’à 4,7 milliards de dollars depuis le début de 2009. La plupart prévoient une hausse du prix du carburant en 2009 et une baisse des volumes expédiés à l’échelle mondiale. Les entreprises cherchent le moyen le plus économique d’expédier leurs produits et délaissent donc les services supérieurs dans une optique de réduction des coûts.
La conjoncture économique devrait s’aggraver en 2009, et les transporteurs aériens réagiront en regroupant des services, mettant hors service des appareils plus vieux et réduisant leur offre de vols.
Pour 2009, les experts financiers prédisent une baisse de 5,7 % du nombre de passagers et une chute d’environ 13 % du volume de marchandises transportées par avion. Le facteur imprévisible est le cours du pétrole!! Il est très difficile de prédire avec exactitude le moment où les prix augmenteront, mais ils augmenteront à coup sûr. Et le mouvement à la hausse est déjà amorcé!
La classe moyenne explose partout dans le monde et devrait compter 1,8 milliard de personnes de plus d’ici 2020. Le nombre de mégavilles augmentera de 19 à 27 d’ici 2025 et le pouvoir d’achat des consommateurs sera bonifié en conséquence.
Fait intéressant, l’Inde, la Chine, le Moyen-Orient et l’Amérique latine sont les régions qui enregistrent la croissance la plus rapide, vu l’explosion de leur classe moyenne.
En conséquence, dans l’industrie d’ERR, la croissance sera reportée d’un an, mais le taux de croissance s’établira à environ 4,1 % par année jusqu’en 2019. Le nombre de nouveaux appareils livrés a augmenté en 2008, mais il est stable en 2009 et devrait stagner ou diminuer en 2010 et 2011.
Une conséquence de cette tempête économique sera un recours accru à l’impartition, mais de grandes forces politiques – surtout aux États-Unis – tentent de ralentir le phénomène. Il reste à voir si ces tentatives porteront fruit. Aux États-Unis, on visera un équilibre entre le besoin des entreprises d’impartir des travaux à des pays ailleurs dans le monde où les coûts de main-d’œuvre sont moins élevés et de possibles exigences imposées par l’État de faire effectuer ces mêmes travaux en sol américain à un coût plus élevé. Cependant, le résultat ultime pourrait être une augmentation du taux de chômage si le mouvement « Buy American » réussit.
Les principaux secteurs de croissance pour l’entretien, la réparation et la révision de cellules d’avions concerneront les appareils 195 d’Embraer, A380 d’Airbus et 787 de Boeing.
Tout le monde se préoccupe de l’environnement. L’Union européenne déposera un projet de loi d’ici 2012, l’Australie, d’ici 2010 et les États-Unis débattent toujours à savoir quand ils passeront à l’action à leur tour. En conséquence, les initiatives écologiques comme le nettoyage des moteurs, les ailettes de bout d’aile, la peinture, la réduction de poids des appareils et les modifications pour les faire fonctionner aux biocarburants se multiplieront et devront être prises en charge par l’industrie d’ERR.
Survol global de l’industrie d’ERR
L’industrie d’ERR mène des études et réduit ses stocks de pièces de 10 % à 20 %. Les travaux de révision ont diminué d’environ 5 à 10 % en raison de l’actuelle conjoncture économique. Toutefois, tout devrait revenir à la normale une fois que l’économie aura repris. Par exemple, en 2002, une réduction de capacité de l’ordre de 4 % s’était traduite par une réduction des dépenses en ERR de l’ordre de 12 %.
On note une augmentation des activités de recherche et de développement à Singapour, alors que de nouveaux groupes de services d’entretien lourd ont vu le jour au Mexique et en Amérique centrale et, dans une certaine mesure, en Europe de l’Est, en Afrique du Nord et dans les Émirats arabes unis. De plus en plus de gouvernements interviennent pour attirer des entreprises d’ERR dans leur pays.
Le protectionnisme est à la hausse, surtout du côté de la FAA, qui tente d’imposer le dépistage de drogues et des mesures de sécurité à l’extérieur des États-Unis. Toutes ces mesures menacent des accords bilatéraux qui opposent les entreprises d’ERR, couvertes par les règles de l’OMT, aux lignes aériennes, auxquelles ces règles ne s’appliquent pas.
On ne s’attend pas à une reprise dans l’industrie d’ERR avant 2010 ou 2011. Par la suite, le secteur connaîtra une croissance positive jusqu’en 2018.
Un des avantages que proposera l’industrie d’ERR est de convaincre les lignes aériennes qu’elles peuvent l’aider à réduire les stocks pouvant représenter jusqu’à la moitié des dépenses d’entretien en coûts matériels à eux seuls. À l’heure actuelle, les lignes aériennes tiennent des stocks évalués à quelque 800 millions de dollars. Il s’agit d’une somme énorme qui dort.
En Asie, l’industrie de la révision de cellules d’avions est bien établie et celle des services de composants et de moteurs est en voie de s’établir. L’Amérique latine et l’Europe de l’Est sont aussi des marchés émergents pour l’industrie d’ERR.
Chaîne d’achats et d’approvisionnement
Jadis, la plupart des lignes aériennes tenaient leurs propres stocks de pièces. En conséquence, elles y engageaient des coûts élevés, en masse salariale et pour l’entretien de grands entrepôts.
Ces pièces représentent habituellement 50 % des dépenses d’entretien. De nouvelles entreprises aident donc des entreprises d’ERR et des lignes aériennes à réduire leurs coûts en assumant pour eux ces fonctions et ces responsabilités.
Le marché a évolué grâce à la multiplication des nouvelles technologies de l’information, qui permettent de localiser toute pièce n’importe où dans le monde. En conséquence, de plus en plus de fournisseurs adoptent pour politique de facturer les pièces à l’heure tout en assumant les coûts élevés de tenue de stocks.
Deux types de services sont offerts : le fournisseur est propriétaire des stocks ou encore il en assume simplement la gestion.
Certaines lignes aériennes ont commencé prudemment en adoptant un modèle hybride : elles sont propriétaires de leurs stocks, mais en confient la gestion, la planification et l’entreposage à une tierce partie. Ce modèle permet entre autres à la nouvelle entreprise de louer les stocks à d’autres entreprises pour augmenter son bénéfice.
Plusieurs lignes aériennes adopteront progressivement ces nouvelles tendances et réaliseront de grandes économies de coûts tout en augmentant leurs liquidités au moment où elles en ont le plus besoin pour traverser cette période de difficultés financières.
Quels en seront les impacts?
Ironiquement, étant donné que les services aériens intérieurs sont moins rapides depuis l’adoption des nouvelles mesures de sécurité, les passagers qui voyageaient par avion dans le passé parce que c’était un mode de transport sans souci, économique et rapide refusent maintenant de prendre l’avion et optent plutôt pour d’autres moyens de transport.
Les lignes aériennes ne peuvent plus garantir un transport rapide, économique et efficace. Le marché des vols intérieurs n’a jamais repris le terrain perdu depuis le 11 septembre 2001 et perd 22 milliards de dollars annuellement.
Les lignes aériennes doivent donc réduire la fréquence de leurs vols intérieurs ou augmenter leurs vols internationaux, à moins qu’elles ne réussissent à réduire leurs coûts. Malheureusement, la majorité des transporteurs ont déjà réduit leurs dépenses au minimum et ont donc épuisé leurs options en ce sens.
Pour compliquer davantage la situation, le prix du carburant a bondi de 230 % depuis 2000. Le carburant représente aujourd’hui le principal coût alors que le prix des billets des transporteurs aériens est demeuré relativement stable.
De toute évidence, tous les transporteurs aériens en Amérique du Nord resserrent leur capacité et continueront de le faire cette année sur les vols intérieurs et internationaux. Un exemple extrême de ce phénomène est Southwest, qui a dû réduire sa capacité de 3,1 % pour la première fois de son histoire.
À ces difficultés s’ajoute la pénurie de crédit ou de financement pour les lignes aériennes, dont la majorité ont une cote de crédit double B, à l’exception de Lufthansa, de Qantas et de Southwest dont la cote est plus élevée mais néanmoins inférieure à la cote A dont elles jouissaient dans le passé.
Il est évident que les entreprises disposant de grandes réserves réussiront, car elles pourront profiter de l’apport de nouvelles technologies pour améliorer leurs activités et se développer pendant que de plus en plus de concurrents commencent à fermer leurs portes.
On s’attend à ce que le recours à l’impartition continue d’augmenter rapidement, passant d’environ 70 % en 2008 à environ 86 % en 2013, en raison de l’actuelle conjoncture financière. En conséquence, les fournisseurs de services (d’ERR) prendront du galon alors que de nombreuses lignes aériennes se consacreront à leurs activités fondamentales et confieront leurs autres activités à des tiers qui pourront les gérer plus efficacement.
Perspectives pour la main-d’œuvre
L’industrie aéronautique prévoit une pénurie de mécaniciens brevetés en raison des départs à la retraite et du faible nombre de nouveaux arrivants dans ce domaine. De récentes annonces de mises à pied ont temporairement réglé le problème, mais le nombre d’inscriptions aux écoles spécialisées est en baisse. Les écoles ne réussissent plus à attirer autant d’étudiants que dans le passé et le recrutement en maraudage de travailleurs qualifiés s’est donc intensifié.
Parmi les principales difficultés auxquelles les écoles font face est la suivante : de nombreux étudiants n’obtiennent pas les résultats en mathématiques et en sciences requis pour aspirer à une carrière en aéronautique. Ces lacunes, combinées au portrait sombre de l’aviation dressé au cours de la dernière décennie, ont découragé plus d’un étudiant à faire carrière en aéronautique.
Une fois que l’économie aura commencé à reprendre, il y a fort à parier que nous serons de nouveau confrontés à des pénuries de main-d’œuvre. Certaines entreprises prédisent que jusqu’au quart de leurs employés sont prêts et aptes à prendre leur retraite aujourd’hui. Ce phénomène force les entreprises à repenser leurs stratégies pour attirer, satisfaire et conserver des travailleurs compétents. Il est probable que ces entreprises traitent mieux leurs employés pour se rendre plus attrayantes et se démarquer de la concurrence. On prévoit des départs massifs à la retraite parmi la génération des baby boomers d’ici cinq ans et une croissance constante des parcs aériens une fois que l’économie aura repris.
De toute évidence, les entreprises devront adopter de nouvelles stratégies innovatrices, par exemple, conclure des ententes de partenariat avec les écoles ou encore subventionner les étudiants afin de pouvoir compter sur un apport constant de nouveaux travailleurs. C’est déjà ce qui se fait dans plusieurs pays européens.
Quelles leçons pouvons-nous en tirer?
Les transporteurs aériens n’ont d’autre choix que de réduire leur offre de vols intérieurs et internationaux.
Nombre de transporteurs ont restructuré leurs activités de façon permanente, tandis que d’autres réduisent leurs activités et impartissent des travaux et des stocks. Par ailleurs, de nouvelles entreprises voient le jour dans ce marché de l’impartition.
L’économie reprendra et les sociétés qui auront survécu à la récession en sortiront plus solides et plus prospères. C’est à nous de saisir les occasions qui se présenteront.
Carlos DaCosta
Coordonnateur, lignes aériennes
AIMTA Canada