Par Carlos DaCosta,
coordonnateur des lignes aériennes pour l’AIM
Le 25 juin 2014, la ministre fédérale des Transports de l’époque, Lisa Raitt, a lancé un examen de la Loi sur les transports au Canada, puis nommé David Emerson pour présider le comité d’examen. M. Emerson est un dirigeant d’entreprise et tous ses conseillers provenaient des milieux d’affaires et de l’industrie.
Le 25 février 2016, le ministre des Transports, Marc Garneau, a déposé le rapport sur la Loi sur les transports au Canada à la Chambre des communes. Les recommandations formulées dans le rapport gravitaient autour de l’expansion de la privatisation, de la déréglementation et de la concurrence dans l’industrie des transports.
L’AIM a pris connaissance de ce volumineux rapport de plus de 700 pages, qui explique les trois décennies de déréglementation, de libéralisation et de vente d’actifs gouvernementaux. Il porte sur le transport ferroviaire, le transport aérien et le transport maritime. Le rapport aborde les besoins en matière de transport dans le Nord, les changements climatiques, l’innovation technologique et la gouvernance.
Cependant, il n’aborde aucun enjeu syndical et fait fi des impacts des recommandations sur les membres de l’AIM, leurs revenus, leurs conditions de travail et la qualité de leur travail.
Les recommandations mettent l’accent sur un accroissement de la libéralisation, l’harmonisation réglementaire, l’élargissement de l’accès aux investissements privés et l’intensification des forces concurrentielles. Ce sont tous des facteurs qui sont lourds de conséquences négatives pour la main-d’œuvre dans le secteur du transport aérien.
Voici quelques-unes des recommandations formulées dans le rapport : ouvrir les autorités aéroportuaires du Canada à la propriété privée; déréglementer davantage le transport aérien et accroître la propriété et le contrôle étrangers des lignes aériennes.
Transport aérien
Au milieu des années 1980, au Canada, ce sont les gouvernements qui étaient propriétaires et exploitaient l’infrastructure et les fournisseurs de services. De plus, ils réglementaient l’industrie des transports. En 1985, les gouvernements ont poursuivi la commercialisation, la vente d’actifs, la déréglementation des marchés et la libéralisation du commerce international.
Entre 1986 et 2006, le Canada est passé d’un système où le gouvernement était propriétaire et exerçait le contrôle à un système axé sur les marchés commerciaux. Cette transformation a débuté par la déréglementation du marché intérieur des services de transport aérien et la privatisation d’Air Canada. Elle a eu pour conséquences des pertes d’emplois, des coupures de services, des faillites, des consolidations et des hausses de prix dans certains marchés régionaux.
Suivant la déréglementation et la privatisation des transporteurs, le gouvernement s’est mis à commercialiser de plus grands aéroports ainsi que les services de navigation aérienne.
C’est notamment durant cette période que Nav Canada fut créé comme organisme sans but lucratif chargé de l’exploitation du système canadien de navigation aérienne. La solution proposée dans le rapport pour régler ce problème consiste à créer des aéroports privés à but lucratif.
En regard des mesures décrites ci-dessus ayant été prises par des gouvernements antérieurs, l’AIM a clairement présenté ses craintes quant aux impacts potentiels que pourraient subir ses membres qui œuvrent dans l’industrie du transport aérien. À ce jour, la plupart de nos craintes se sont matérialisées.
Le rapport Emerson recommande de passer d’ici trois ans à une structure de capital-actions pour les plus grands aéroports, moyennant un financement en fonds propres provenant d’importants investisseurs institutionnels. Trois options pour la privatisation des grands aéroports sont décrites.
Une autre recommandation formulée dans le rapport propose d’élargir la portée des règles de propriété étrangère parmi les transporteurs aériens. À l’heure actuelle, en vertu d’accords de service bilatéraux, les lignes aériennes doivent généralement être la propriété majoritaire et sous contrôle effectif d’une entité au sein d’un des pays qui est partie à l’accord. La plupart des pays limitent la propriété étrangère des transporteurs aériens à entre 0 et 49,9 % des actions votantes, alors que le Canada – tout comme les États-Unis – impose une limite de 25 %.
Le rapport recommande de hausser la limite de propriété étrangère à au moins 49 % dans le cas des transporteurs aériens offrant des services passagers commerciaux et à 100 % dans le cas de transporteurs aériens offrant des services de transport de marchandises et des services aériens spécialisés.
Le rapport aborde aussi la sécurité dans les aéroports et le contrôle des passagers. Nous courons actuellement le risque d’être confrontés à des lignes d’attente plus longues si le gouvernement ne bonifie pas les budgets pour tenir compte de l’augmentation du nombre de passagers. Au cours des cinq dernières années, ce nombre a augmenté de 21 %, alors que le financement n’a pas suivi cette augmentation. En moyenne, le nombre de passagers au Canada augmente de 3,5 % par année.
Les recommandations n’abordent pas suffisamment ce problème, et le gouvernement continue d’empocher les recettes générées de la vente de billets d’avion. Nous aimerions que le gouvernement dépense toutes les recettes générées comme il se doit, notamment pour embaucher un plus grand nombre d’agents de contrôle préembarquement dans les aéroports afin de réduire les lignes d’attente de passagers.
Le rapport n’aborde ni les préoccupations ni les craintes des travailleurs du secteur des transports. Également omises du rapport sont les questions de santé et de sécurité.
Fait intéressant, plusieurs des recommandations formulées dans le rapport sur l’examen de la Loi vont à l’encontre de l’objectif du gouvernement libéral de « renforcer la classe moyenne et d’aider ceux qui travaillent fort pour en faire partie ». Par conséquent, il serait intéressant de voir comment notre nouveau gouvernement libéral réagira.