Le vieil accord de libre-échange n’a rien d’un coup d’éclat!
Ottawa, ON – La prochaine ronde de pourparlers sur l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) doit se dérouler à Mexico du 17 au 21 novembre 2017 et, comme le dit l’expression, les paroles changent, mais l’air reste le même. Le président des États-Unis Donald Trump affirme qu’il annulera l’ALENA s’il n’arrive pas à obtenir une entente, mais sa date d’échéance ferme de la fin de l’année a maintenant été reportée à mars 2018.
Quoi qu’il en soit, la quatrième ronde de pourparlers, qui s’est conclue récemment à Arlington, Virginie, par un échange public d’insultes, a été la plus profonde et enflammée et s’est avérée la plus longue ronde de négociations jusqu’ici pour tenter d’en arriver à une nouvelle entente. Washington a monté sa barre d’un cran avec la présentation des politiques « Achetez américain » dans le secteur de la fabrication d’automobiles, l’abandon progressif de la gestion de l’approvisionnement en produits laitiers canadiens et l’abandon du système de règlement des différends liés à l’ALENA convoité par le Canada. Ce dernier élément en est un qui bloque toute possibilité d’entente et nous pourrions voir le Canada quitter la table des négociations.
Donc, sans l’ALENA, bien peu de choses changeraient en ce qui concerne les relations économiques du Canada avec son plus grand partenaire commercial, n’est-ce pas? Nous ne nous contenterions que de dépoussiérer le vieil Accord de libre-échange (ALÉ) et de poursuivre les échanges sans payer de droits de douane. Cela peut être non seulement naïf, mais aussi une terrible erreur. Il semble que la prémisse selon laquelle la disparition de l’ALENA se traduirait simplement la réapparition de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis de 1987 serait la source d’un désaccord important parmi les experts.
C’est naïf parce que l’administration Trump a lancé tout ce processus avec le désir de renégocier ou d’abandonner l’ALENA si l’on ne parvenait pas à conclure meilleure entente pour les intérêts américains. Donc, s’ils veulent renégocier l’ALENA, ce serait insensé de présumer que l’ancien ALÉ serait traité différemment. Comme nous l’avons mentionné précédemment, les paroles changeraient, mais l’air resterait le même!
Un autre aspect est les questions juridiques que cette procédure soulève. Quelles sont les règles concernant l’annulation de l’ALENA et quelles sont les règles concernant le retour de l’ALÉ? Pour citer l’un des experts, l’ALÉ a été suspendu, mais quelles sont les règles pour le faire renaître? L’ALÉ a été suspendu pour faire place à l’ALENA, mais une fois l’ALENA disparu, quelqu’un quelque part doit mettre un terme à la suspension de l’ALÉ.
Aux États-Unis, cette responsabilité incomberait au Congrès américain. Depuis son arrivée au pouvoir, le président Trump est en désaccord avec le Congrès à plusieurs égards et il rédige souvent rapidement des décrets présidentiels tenant lieu de soutien du Congrès. Cela signifie que le Congrès aurait besoin de l’appui de Trump pour réinstaurer le vieil ALÉ ou pour obtenir un vote favorable de la part d’une écrasante majorité des deux tiers au Congrès pour surmonter un véto présidentiel. La Constitution américaine confère effectivement au Congrès le pouvoir en ce qui concerne les accords commerciaux internationaux comme l’ALENA et l’ALÉ. Habituellement, le Congrès prête simplement ce pouvoir au président et trouve un ensemble de règles qui s’avèrent un bon compromis, que l’on appelle couramment une procédure législative accélérée.
Des murmures laissent entendre que le Congrès pourrait tenter de récupérer son pouvoir légitime, de bloquer tout effort déployé par Trump pour annuler l’ALENA et d’éviter toute cette colère au sujet de l’ALENA, de l’ALÉ ou du commerce en général. Mais les experts prétendent que Trump n’a rien à craindre à cet égard puisque la version actuelle du Congrès n’a pas réussi à adopter la moindre mesure législative politique depuis son entrée en fonction.
Néanmoins, le Canada ne peut se satisfaire que l’ALÉ soit une police d’assurance si on laisse l’ALENA mourir. Trop de choses ont changé depuis 1987, y compris le climat politique américain, ce qui garantit presque que les États-Unis ne seraient pas d’accord avec le statu quo.
Alors, que ferons-nous s’il n’y a absolument aucun accord de libre-échange en Amérique du Nord? Les droits de douane seraient en moyenne de 3,5 p. 100 aux États-Unis, de 4,2 p. 100 au Canada et de 7,1 p. 100 au Mexique. Certains experts prédisent que cela réduirait le produit intérieur brut du Canada de quelque 2,5 p. 100 à long terme. En cas de différend entre les États-Unis et le Canada, ou entre le Canada et le Mexique, sans ALÉ en place, le différend serait porté devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Quelles seront les répercussions sur votre vie de tous les jours? Cela reste à voir!