Vous avez peut-être constaté l’apparition d’une nouvelle expression dans le vocabulaire des pensions tout juste avant les fêtes. Dans le cadre d’une réunion tenue à Alberta en décembre, les ministres fédéral et provinciaux des Finances ont décidé de ne pas aller de l’avant avec des bonifications au Régime de pensions du Canada, préférant plutôt mettre en place un nouveau régime d’épargne privé : le régime de pension agréé collectif ou RPAC.
Le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, qui partageait pourtant le large consensus en faveur d’une bonification des prestations du RPC à la dernière réunion des ministres en juin dernier, a changé son fusil d’épaule juste avant la tenue de la rencontre de décembre et affirmé que le moment n’était pas propice à une telle bonification.
Ce changement de cap du ministre Flaherty a choqué, voire surpris. Pourtant, les conservateurs n’ont fait que protéger les intérêts de leurs bâilleurs de fonds de Bay Street et empêché le RPC de gagner du terrain sur le marché lucratif des fonds communs de placement et des REER.
M. Flaherty n’a même pas pris la peine de suggérer qu’une bonification du RPC ne représentait pas le meilleur (le seul) moyen de pallier au problème à long terme du revenu de retraite des Canadiens. Il s’est contenté d’affirmer que le moment n’était pas propice. Malheureusement, si Bay Street a gain de cause, le moment ne sera jamais propice à une bonification du RPC.
Malgré les inquiétudes concernant l’impact d’une augmentation des contributions au RPC en cette période économique difficile (quoique l’impact macroéconomique ne serait pas très différent de celui des RPAC), les contributions seraient augmentées progressivement sur une période de un ou deux ans, voire plus si la conjoncture économique demeurait mauvaise. Le RPC est un régime à long terme et, dans tous les cas, les bonifications seraient apportées progressivement, au fil de plusieurs années. Ce qui est inacceptable est de ne pas apporter les changements nécessaires au bénéfice unique des banques et des compagnies d’assurances.
Les ministres se sont cependant entendus pour aller de l’avant avec les RPAC. Fondamentalement, ce sont des REER offerts par l’intermédiaire de grands fonds collectifs. Les REER existent depuis plus de 50 ans, mais ils ne parviennent toujours pas à répondre aux besoins en matière de revenu de retraite de la majorité des Canadiens. Contrairement au RPC, les REER n’assurent aucune couverture universelle et leurs prestations ne sont pas indexées. Tout comme pour un REER, dans le cas d’un RPAC, ce sont les investisseurs individuels qui assumeront la totalité des coûts et des risques.
Le principal argument de vente en faveur du nouveau RPAC est que les cotisations demandées des investisseurs devraient être moindres que celles exigées dans le cas des REER, puisqu’un plus grand nombre de personnes y cotiseront. Étant donné que les RPAC seront gérés par les mêmes banques et compagnies d’assurances qui volent littéralement les investisseurs qui optent pour leurs fonds communs de placement et REER, quelle est la probabilité que ces banques et compagnies d’assurances fassent des cadeaux aux investisseurs qui opteront pour les nouveaux fonds collectifs?
Au mieux, les RPAC représentent de nouveaux outils de marketing pour l’industrie des services financiers. Ces régimes contribueront très peu à résoudre le problème à long terme du revenu de retraite des Canadiens.
S’il y a une bonne nouvelle dans cette histoire, c’est que les ministres n’ont pas totalement balayé l’idée d’une bonification des prestations du RPC à leur réunion de décembre. Ils ont simplement décidé de reporter cette discussion à leur prochaine réunion, en juin prochain. Toute modification apportée au RPC doit être approuvée par les deux tiers des provinces représentant les deux tiers de la population canadienne ainsi que par le gouvernement fédéral. Il appert que la plupart des provinces continuent d’appuyer la proposition d’augmenter les cotisations au RPC afin d’en bonifier les prestations versées aux retraités.
Nous devons envoyer un message au gouvernement fédéral et à l’ensemble de nos gouvernements provinciaux : les RPAC ne suffisent pas. Nous réclamons des bonifications du RPC, et le moment est venu de passer à l’action sans plus tarder.