Le 14 mars 2012
Présentation de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale au Sénat concernant le projet de loi C-33, Loi prévoyant le maintien et la reprise des services aériens
Au nom de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale (AIMTA), je tiens à remercier le comité pour cette occasion de nous prononcer sur le projet de loi C-33.
En notre qualité de syndicat représentant les 8600 membres à l’emploi du groupe Exploitation technique, entretien et soutien opérationnel d’Air Canada qui sont directement visés par ce projet de loi, nous n’avons pas eu la possibilité de comparaître devant un comité de la Chambre des communes étant donné l’adoption de ce projet de loi à toute vapeur par les parlementaires.
Nous sommes profondément déçus de ce projet de loi mal ficelé, qui a pour effets d’enlever à nos membres le droit de grève et de miner fondamentalement le processus de négociation collective avec les sociétés canadiennes de compétence fédérale.
Nous avons négocié de bonne foi avec Air Canada pendant plusieurs mois. Ne parvenant pas à s’entendre avec l’employeur, nos membres ont voté en faveur d’un mandat de grève et nous avons signifié à l’employeur notre intention d’exercer notre droit de grève conformément au Code canadien du travail à compter de minuit une minute le 12 mars. Même si nous avions signifié l’avis de grève, nous étions néanmoins prêts à reprendre les négociations jusqu’à la dernière minute dans l’espoir de conclure une entente acceptable et d’ainsi éviter un arrêt de travail.
Il est prévisible que notre mesure de grève aurait eu pour conséquences de paralyser les activités d’Air Canada et de causer des inconvénients à certains Canadiens. Cependant, rien ne prouve, contrairement à ce qu’a prétendu la ministre du Travail, que le déclenchement d’une grève contre Air Canada aurait eu de graves répercussions négatives sur l’économie canadienne.
Il est regrettable que la ministre a décidé d’intervenir dans ce conflit de travail, d’abord en se prévalant des dispositions de l’article 87.4 du Code pour saisir le Conseil canadien des relations industrielles du dossier, puis en déposant le projet de loi C-33.
De toute évidence, la décision de saisir le CCRI du dossier n’était rien d’autre qu’une manœuvre dilatoire, car un arrêt de travail paralysant Air Canada ne mettrait d’aucune façon en péril la santé et la sécurité des Canadiens. Air Canada l’a reconnu et n’a d’ailleurs jamais invoqué le Code pour obtenir une désignation de services essentiels.
Le projet de loi C-33 représente une attaque directe contre les travailleurs et la négociation collective avec des employeurs relevant de la compétence fédérale. Étant donné que pratiquement toute grève a des répercussions économiques, le gouvernement fédéral élimine essentiellement le droit de grève contre les employeurs qui relèvent de sa compétence. Ce faisant, il abroge un droit fondamental, celui des travailleurs de collaborer ou de refuser de travailler. Il s’agit du principal moyen de pression dont disposent les travailleurs contre l’omnipuissance des employeurs.
Si enlever le droit de grève aux travailleurs semble le moyen le plus efficace de rétablir des relations de travail harmonieuses, il faut s’attendre à l’effet tout à fait contraire.
Le fait d’éliminer le droit de grève mine les relations de travail et la négociation collective. En l’absence des conséquences potentielles d’un arrêt de travail, peu de pression s’exerce sur les parties à une négociation d’accepter des concessions, un aspect pourtant essentiel de tout processus de négociation qui se veut efficace.
Sans la possibilité d’un arrêt de travail ne serait-ce que pour « détendre l’atmosphère », les problèmes couvent dans le lieu de travail et le climat de relations de travail se détériore. L’employeur ne se rend pas service si sa main-d’œuvre est mécontente pendant la durée d’un contrat de travail imposé.
Nonobstant le fait qu’il mine la libre négociation collective, le projet de loi C-33 présente de graves lacunes. Il est indûment sévère et pipe les dés en faveur de l’employeur, Air Canada.
Le recours à l’arbitrage des propositions finales prévu au projet de loi est totalement inapproprié. Bien que l’arbitrage de différends en fonction de propositions finales puisse convenir lorsqu’il n’y a qu’une question ou un point à trancher, il ne convient aucunement dans le cas d’une convention collective complexe comptant moult questions et points en litige.
Le processus d’arbitrage des propositions finales lie les mains de l’arbitre et l’empêche d’en arriver à une entente équilibrée. L’arbitre peut même se voir forcé d’accepter une proposition impossible à mettre en application, soit la « proposition la moins pire ». Si l’objectif visé est le maintien de la paix sociale, il serait beaucoup plus sensé d’accorder à l’arbitre une plus grande marge de manœuvre pour proposer un règlement équitable.
Aussi, nous sommes préoccupés par le paragraphe 14(2) du projet de loi, car il semble imposer à l’arbitre l’accord de principe du 10 février, lequel a été rejeté par nos membres, comme la limite supérieure des modalités du règlement. Cela est profondément injuste étant donné que nous négociions avec Air Canada dans l’espoir de bonifier cet accord de principe, jusqu’au moment où la ministre s’est ingérée dans le processus.
Enfin, nous sommes plutôt préoccupés par le sous-paragraphe 34(1)a) du projet de loi, qui prévoit une amende maximale de 50 000 $ par jour « dans le cas d’un dirigeant ou d’un représentant de l’employeur ou du syndicat » en plus d’une amende de 1 000 $ par jour « dans les autres cas » et une amende maximale de 100 000 $ dans le cas de l’employeur ou du syndicat lui-même.
Bien que nous n’ayons aucune intention d’enfreindre la loi ou de conseiller à nos membres d’enfreindre cette loi ou toute autre loi, l’absence d’une définition claire de ce que signifie « dans le cas d’un dirigeant ou d’un représentant du syndicat » nous préoccupe. Par exemple, s’il est jugé qu’un membre qui occupe un poste de délégué syndical ou siège à un comité d’une section locale a enfreint cette loi, sera-t-il considéré comme un dirigeant ou un représentant du syndicat, s’exposant ainsi à une amende de 50 000 $ par jour? Il s’agirait d’une sanction nettement déraisonnable.
Ce projet de loi est fondamentalement injuste et mine la libre négociation collective ainsi que les relations de travail au Canada. Nous faisons valoir avec insistance au Sénat la nécessité de retourner ce projet de loi à la Chambre des communes et de demander aux parlementaires de refaire leurs devoirs.
N’hésitez pas à nous faire part de toute question que vous pouvez avoir.
Le tout respectueusement soumis,
Dave Ritchie
Vice-président général