Protéger les enfants de la nécessité de travailler

Les mesures de protection sociale peuvent contribuer à réduire l’incidence du travail des enfants, affirme Constance Thomas, Directrice du Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) de l’OIT.

Environ 215 millions d’enfants dans le monde sont impliqués dans le travail des enfants. Ce travail est le plus souvent dangereux, risqué voire préjudiciable à leur santé et à leur vie future. Partout, les enfants devraient pouvoir bénéficier d’une véritable enfance, jouer, étudier à l’école et rêver d’un avenir plus brillant.

Cependant, éradiquer le travail des enfants est une mission difficile et complexe parce que beaucoup de familles envoient leurs enfants travailler, non pas de plein gré mais par obligation. Ils n’ont peut-être pas les moyens ou les revenus suffisants au sein du ménage pour payer les dépenses de santé ou les frais de scolarité sans que leurs enfants travaillent.

Quelquefois, ces familles vulnérables sont destinataires de programmes de protection sociale qui les empêchent de sombrer dans une misère noire. Ces programmes ont rarement pour objectif affiché de réduire le travail des enfants mais les chercheurs de l’Organisation internationale du Travail (OIT) ont découvert qu’ils peuvent avoir un effet secondaire important: les programmes de protection sociale aident souvent les familles à maintenir leurs enfants à l’école et en dehors du travail.

Des faits à l’appui de ce constat sont relatés dans le Rapport mondial sur le travail des enfants: vulnérabilité économique, protection sociale et lutte contre le travail des enfants, une nouvelle étude de l’OIT. Le rapport étudie de très près les évaluations scientifiques des programmes de protection sociale dans plusieurs pays du point de vue du travail des enfants.

Faits et chiffres sur le travail des enfants
215 millions d’enfants travaillent dans le monde. Ce chiffre est issu du dernier Rapport global (2010). De nouveaux chiffres devraient paraître en septembre 2013:

  • 115 millions d’enfants sont enrôlés dans les pires formes de travail des enfants – pratiques assimilables à l’esclavage, servitude pour dette, offre d’enfants à des fins de prostitution, implication dans des activités illicites et des travaux dangereux pour leur santé, leur sécurité ou leur moralité.
  • 15,5 millions d’enfants sont engagés dans le travail domestique.
  • La plupart des enfants qui travaillent continuent d’être employés dans l’agriculture (60 pour cent). Seul un enfant qui travaille sur cinq occupe un emploi rémunéré. L’immense majorité travaille sans toucher de rémunération au sein de la famille.

Les chercheurs ont établi que le travail des enfants connaissait un recul sensible là où fonctionnent des dispositifs de transferts en espèces. Dans le cadre de ces dispositifs, les familles perçoivent un certain montant chaque mois, quelquefois à la condition que leurs enfants aillent à l’école. Un programme brésilien, Bolsa familia, a joué un rôle clé dans la réduction du travail des enfants à la fois dans les régions rurales et urbaines.

Le rapport a aussi constaté une relation forte entre les problèmes de santé et le travail des enfants: quand le principal soutien de famille est dans l’incapacité de travailler du fait d’une maladie ou d’un accident, ou qu’un ménage doit payer la prise en charge d’un de ses membres malade, la famille doit parfois recourir au travail des enfants pour en atténuer l’impact économique. Au Togo et en Zambie, par exemple, on a remarqué une hausse considérable du travail des enfants quand un membre de la famille tombait malade ou mourait. En Zambie, le taux a augmenté de 9 pour cent. Les faits indiquent aussi un déclin de la fréquentation scolaire, compromettant les perspectives d’avenir des enfants.

Le lien entre santé et travail des enfants souligne l’impact potentiel que la protection sociale peut avoir. Une étude menée au Guatemala a montré que les enfants issus de ménages dont l’un des membres au moins bénéficie d’une couverture santé sont moins susceptibles d’aller travailler.

La sécurité du revenu pour les personnes âgées – au moyen de pensions fiables et garanties – peut aussi avoir un impact positif notable sur les enfants accueillis dans des foyers multigénérationnels. Entre 50 et 60 pour cent des orphelins d’Afrique du Sud, du Botswana, du Malawi, de Namibie, de Tanzanie ou du Zimbabwe vivent avec leurs grands-parents. Des études conduites en Afrique du Sud et au Brésil ont montré que les pensions contribuaient à réduire le travail des enfants et à améliorer leurs résultats scolaires.

Les programmes d’emploi public qui procure du travail aux adultes ont aussi la capacité de réduire le travail des enfants – comme l’ont montré l’Ethiopie et l’Inde.

Compte tenu de ces données, il apparaît clairement que les mesures de protection sociale peuvent constituer une part importante de la réponse d’ensemble des pouvoirs publics en matière de travail des enfants, aux côtés de l’éducation, des emplois pour les adultes et du respect de la loi. Elles peuvent aussi contribuer à faire pencher la balance quand les ménages doivent décider si un enfant doit travailler ou aller à l’école.

Pour être plus efficace, au moment de la conception des programmes de protection sociale, les responsables politiques doivent envisager la manière de maximiser l’impact positif sur les enfants.

L’OIT a récemment approuvé la recommandation sur les socles de protection sociale qui promeut l’importance de garantir une sécurité élémentaire des moyens d’existence tout au long de la vie, ainsi qu’un accès aux soins essentiels de santé. Avec seulement 20 pour cent de la population mondiale en âge de travailler disposant d’un accès convenable à la protection sociale, il est vital que des progrès soient accomplis pour étendre le champ de ces programmes à toutes les familles à travers le monde. En procédant ainsi, davantage d’enfants échapperont à la corvée et au bouleversement que représente le travail des enfants.

La question de savoir comment la protection sociale pourrait être mieux utilisée pour faire cesser le travail des enfants sera l’un des multiples sujets débattus lors de la Troisième Conférence mondiale sur le travail des enfants qui doit se tenir au Brésil en octobre 2013. Cette conférence, qui devrait réunir plus d’un millier de participants, passera en revue les progrès réalisés sur la voie de l’élimination des pires formes de travail des enfants d’ici à 2016.

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