Le 27 juin 2012
David Emerson, C.P., O.B.C.
Chef
Examen de l’aérospatiale
235, rue Queen, salle 141-F
Ottawa, Ontario K1A 0H5
Monsieur,
L’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale (AIMTA) est un syndicat qui représente plus de 10 000 travailleurs dans l’industrie canadienne de l’aérospatiale. Ces travailleurs sont à l’emploi de plusieurs entreprises installées aux quatre coins du pays, dont Bombardier, Rolls Royce, Magellan, AvCorp, Messier-Dowty et Arnprior Aerospace.
C’est avec plaisir que nous partageons nos perspectives avec la commission d’examen, et ce, même si la participation des syndicats ne semble pas avoir été une considération majeure dans l’élaboration de l’examen. Dans le budget fédéral de 2011, l’examen a été décrit comme une consultation de l’AIAC. De plus, nous notons que le conseil consultatif de l’examen ne compte aucun représentant syndical et que la participation syndicale s’est limitée à un seul groupe de travail sur un total de six (et, principalement, au sein d’un sous-comité de ce groupe de travail).
Malgré cela, nous sommes prêts à présenter nos perspectives à la commission d’examen.
Aussi, nous nous demandons comment l’examen s’acquittera de son vaste mandat tout en menant un ambitieux programme d’étude et d’analyse en l’espace de moins d’un an.
En notre qualité de participant à l’initiative de Partenariat canadien de l’aérospatiale (PCA), un forum multipartite permanent auquel vous avez participé activement, nous jugeons que l’industrie aurait été mieux servie si ce processus avait été maintenu.
Dans cette brève présentation, nous avons l’intention de commenter – du moins en termes généraux – la pleine portée des questions soumises à l’examen, sans pour autant nous limiter aux questions de portée étroite concernant l’offre de main-d’œuvre spécialisée.
L’aérospatiale est un secteur névralgique de l’économie canadienne. C’est un secteur où le Canada jouit depuis longtemps d’une renommée de calibre mondial à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement. De plus, c’est une industrie ayant un potentiel de croissance internationale à long terme. Comme centre de technologies de pointe et d’emplois très spécialisés, cette industrie peut jouer un rôle clé dans la reconnaissance du secteur manufacturier canadien.
À l’échelle planétaire, le développement de l’industrie aérospatiale est depuis presque toujours façonné par des stratégies industrielles nationales ainsi qu’une forte intervention gouvernementale, et ce, à la fois en matière militaire et en matière civile.
Cela est vrai au Canada comme ailleurs. Au fil de nombreuses décennies, la population canadienne – par l’intermédiaire de ses gouvernements – a fourni du financement, du soutien à la recherche et au développement, des politiques en matière d’approvisionnement à des fins militaires ou civiles ainsi que des investissements directs pour bâtir cette industrie.
Malheureusement, nous craignons que cette industrie soit minée par des politiques gouvernementales peu judicieuses. Nous n’avons aucune stratégie cohérente qui permettrait à l’industrie de renforcer les capacités canadiennes afin d’innover et de jouer un rôle de plus en plus important au sein des marchés mondiaux.
À l’instar d’autres secteurs faisant l’objet d’échanges internationaux, au Canada, l’aérospatiale a souffert de la rapide appréciation de notre dollar par rapport aux devises de pays concurrents. Nous nous inquiétons aussi que des accords internationaux minent de plus en plus notre capacité de tirer profit de nos forces dans ce secteur et plusieurs des politiques et des programmes qui ont contribué à bâtir ce secteur.
Devant des concurrents internationaux – nouveaux et de longue date –, nous avons besoin de plus – plutôt que de moins – de politiques publiques actives afin de maintenir et de développer ce secteur. Les investissements publics doivent être faits là où ils sont les plus susceptibles de créer des emplois durables et stables. Plutôt que de consentir des réductions d’impôt générales aux entreprises, le soutien accordé à cette industrie parmi d’autres doit être conditionnel à la prise d’engagements fermes envers l’investissement, la recherche et le développement, la création d’emplois et la formation au Canada.
Nous craignons que le gouvernement invoque le mythe d’une éventuelle pénurie de main-d’œuvre pour justifier les attaques qu’il livre contre les normes et les protections dont jouissent les travailleurs actuels et léser les nouveaux travailleurs qui font leur entrée dans le marché. Au lieu de couper dans la protection qu’assure le régime d’assurance-emploi, nous devons plutôt améliorer cette protection afin d’accorder aux travailleurs le soutien dont ils ont besoin pour assurer leur mobilité, parfaire leurs compétences et trouver un emploi qui leur convient.
Dans un secteur de technologie avancée qui évolue rapidement comme l’aérospatiale, il est fondamental que la main-d’œuvre bénéficie de l’étendue et du niveau de formation dont elle a besoin pour être en mesure de s’adapter au changement, d’innover et d’assurer l’amélioration continue des produits qu’elle fabrique.
Ultimement, la capacité du Canada à livrer une concurrence efficace dépend des aptitudes et des compétences des travailleurs canadiens – de leur capacité à construire et à maintenir des avions et des composants sécuritaires et fiables – plutôt que de plans détaillés ou de pièces d’équipement facilement transférables.
Malheureusement, le gouvernement et certains employeurs semblent préconiser des solutions à court terme (un minimum de formation et le recours accru à des travailleurs étrangers temporaires), alors que nous comptons de nombreux jeunes Canadiens sans emploi ou sous-employés qui bénéficieraient d’une formation d’une étendue et d’un niveau appropriés, particulièrement de programmes d’apprentissage, pour se préparer à une longue carrière.
Nous espérons que la formation « axée sur les compétences » ne signifie pas une préparation rapide, économique et d’étendue étroite qui enseigne aux travailleurs à effectuer une seule tâche, avec peu ou pas de compétences transférables.
Nous devons plutôt élargir la portée de la formation professionnelle, particulièrement des programmes d’apprentissage qui développent des travailleurs de métier bien équilibrés. Au minimum, le système de taxe de formation qui existe au Québec doit être mis en place dans le reste du Canada.
Enfin, nous devons nous doter d’une stratégie industrielle pour ce secteur. Cette stratégie ne doit pas être le fruit d’un examen unique, mais s’inscrire dans un projet continu à long terme qui réunit l’ensemble des intervenants afin de pouvoir continuellement se rajuster et s’adapter à l’évolution des conditions dans un monde en constante évolution. Pour ce faire, il faudra faire un usage judicieux de tous les moyens à notre disposition – politiques en matière de financement, d’investissements publics et de fiscalité, formation visant à renforcer les capacités du Canada, approvisionnement – pour maintenir la vitalité et la croissance de l’industrie canadienne de l’aérospatiale.
Nous nous ferons un plaisir de rencontrer la commission afin de discuter plus longuement de nos perspectives.
Le tout respectueusement soumis,
Dave Ritchie
Vice-président général
AIMTA